Il est jongleur, elle est chanteuse lyrique, ensemble ils forment un duo comique improbable qui nous séduit et nous surprend. Très populaire, leur spectacle Parfois, dans la vie... fait un arrêt au festival Montréal complètement cirque.

Émile Carey et Marie-Claude Chamberland sont un couple dans la vie comme sur scène. Avec leur petite compagnie, La bande artistique, ils ont un peu inventé le concept de conciliation cirque-famille: travail à la maison, spectacle relativement léger et mobile, une cinquantaine de représentations par année maximum, ils gardent ainsi le contrôle sur la destinée tout en s'occupant de leurs deux petites filles.

«On voulait travailler ensemble, mais tout ce qu'on essayait, c'était vraiment mauvais!», dit Marie-Claude en parlant de leurs débuts. Ils se sont finalement trouvé un langage commun: l'art clownesque, qu'ils sont allés apprendre il y a trois ans lors de stages dans les Cévennes, en France, avec un des maîtres du genre, Michel Dallaire. Christine Rossignol, sa conjointe, est ensuite devenue la metteure en scène de leur spectacle. «Ç'a été la meilleure décision de notre vie», estime Marie-Claude. «C'est ce qui a mis notre spectacle au monde, ajoute Émile. On s'alignait vraiment pour quelque chose de plus petit.»

Parfois, dans la vie est inclassable et les deux jeunes trentenaires aiment bien dire que c'est un spectacle familial, qui s'adresse autant aux enfants qu'à leurs parents. «Mais ce n'est pas fait pour un groupe d'enfants, précise Émile. On vise un peu le même genre de public que les films d'animation d'aujourd'hui, comme Shrek, dans lesquels il y a plusieurs niveaux de lecture.»

Le chant et la jonglerie sont des prétextes très forts pour ce spectacle «qui se dissocie du clo-clown», croit Émile. «En même temps, on ne joue pas à rater nos numéros, explique Marie-Claude. Quand je chante de l'opéra, ce n'est pas grossi. Et les numéros de jonglerie sont de vrais numéros, exécutés à la perfection. Ça fait le contrepoint avec toutes les conneries qui se passent autour...»

Si tous deux avaient probablement déjà un instinct de clown - «Je n'étais pas le plus sérieux des jongleurs, et Marie-Claude a une formation de comédienne», dit Émile -, les stages leur ont permis de trouver leur clown intérieur, si on peut dire. «Par exemple, je pensais que c'était quand j'en mettais beaucoup que j'étais drôle. Alors que c'est quand je ne fais rien que les gens rient le plus!» Leur spectacle est d'ailleurs basé sur cet antagonisme entre Marie-Claude, personnage de style Germaine «qui veut être tellement professionnelle qu'elle en devient amateure», explique-t-elle, et celui d'Émile, qui subit les situations. «Et quand il y a un changement d'autorité, ça ne mène pas loin!», rigole-t-il.

Après Montréal complètement cirque, le couple aura un été plutôt calme, avant de repartir en tournée dans le Canada francophone et en Europe. Mais pas question de faire 150 spectacles par an. «On en fait 50 et on a la langue à terre!» raconte Marie-Claude. «En jouant notre spectacle moins souvent, il a une espérance de vie plus longue, croit Émile, qui a fait de la tournée pendant de nombreuses années. C'est l'avantage d'avoir notre propre compagnie: on peut développer notre projet à fond sans pousser la machine. C'est important quand on a une vie de famille. Je dis souvent qu'on fait un p'tit gros spectacle.»

Au Québec, La bande artistique a encore peu joué, victime de son côté inclassable. «Il y a encore du travail de débroussaillage à faire», juge Marie-Claude. Pas pressés mais déterminés, Marie-Claude Chamberland et Émile Carey se sentent près de la nouvelle génération de circassiens québécois, comme Vague de cirque et le Cirque Alfonse, qui ont envie d'avoir leurs projets et leur propre rythme. «On se voit faire ça encore longtemps, ajoute la chanteuse. Peut-être même qu'un jour, on fera un show de clown sans autre prétexte, qui sait.»

Émile opine. «De toute façon, les meilleurs clowns n'ont pas 20 ans.» Le jongleur estime qu'ils sont maintenant de «meilleurs humains» grâce à leur formation. «Il faut être un bon humain pour être un bon clown parce que la démarche du clown est de rendre le monde meilleur.»

Parfois, dans la vie... à l'Espace libre aujourd'hui à 14h et à 19h et demain à 14h.