Lara Jacobs est sans doute le secret le mieux gardé du spectacle Amaluna. En l'apercevant sur scène, dans le numéro d'introduction où apparaissent toutes les déesses qui ont élu domicile dans le chapiteau bleu et jaune du Cirque du Soleil, on se demande bien qui est cette artiste à la longue tignasse blonde et aux courbes voluptueuses. Et surtout, ce qu'elle fera comme numéro.

Peu après l'entracte, elle apparaît seule sur scène, au milieu d'une pile de tiges de bois de différentes longueurs, jetées par terre à la manière d'un jeu de Mikado. Puis, dans un numéro de manipulation extraordinaire, elle ramasse une à une ces tiges, qu'elle place en équilibre les unes en dessous des autres. En les tenant d'une seule main, puis sur sa tête. Enfin, elle dépose l'imposant panache de 20 kilos sur la plus longue tige, qu'elle redresse de son pied et qui tient debout sur la scène.

À la première d'Amaluna, l'artiste suisse a eu droit à une ovation de la foule, ce qui arrive assez rarement après un numéro qui ne met pas la vie d'un artiste en danger. Un hommage amplement mérité à la jeune femme qui nous offre un des plus beaux moments de la soirée. Le numéro est rythmé par sa propre respiration (captée par un micro) qui se mêle superbement à la musique. Deux semaines après le début de la nouvelle création du Cirque, nous avons profité de sa présence à Montréal pour lui poser quelques questions.

Q : Comment avez-vous appris à faire ce numéro?

R : C'est mon père, Mädir Eugster, qui m'a appris ce numéro, qu'il a lui-même créé il y a environ 17 ans. Il était en vacances en Italie, au bord de la mer. Et il a commencé à jouer avec des branches de palmier. À les tenir en équilibre dans sa main. C'est un numéro qu'il fait depuis longtemps avec sa compagnie de cirque, Rigolo. Mais contrairement à lui, je les ramasse avec mes pieds!

Q : Vous êtes donc un enfant de la balle! Vous avez grandi avec le Cirque Rigolo?

R : Oui. J'ai commencé à l'âge de 6 ans dans le cirque de mes parents, avec mes soeurs. Je faisais des numéros de trapèze, mais, petit à petit, je me suis orientée vers la danse. J'ai étudié à l'École Alvin Ailey, de New York. Jusqu'à récemment, j'avais un numéro de danse derviche où ma jupe était en feu! Et puis, mon père m'a appris ce numéro de manipulation. Il était ici le 19 avril pour la première!

Q : Quand avez-vous fait ce numéro pour la première fois? Et comment en êtes-vous venue à le présenter avec le Cirque du Soleil?

R : Je l'ai fait pour la première fois il y a deux ans. Mais ce n'est que l'été dernier, avec le Cirque Rigolo, que je l'ai fait devant public. Aujourd'hui, j'ai 30 ans. C'est donc seulement la deuxième série de représentations que je donne. Le Cirque a joint mon père, qui m'a recommandée à eux. Je leur ai montré le numéro et ils ont aimé.

Q : Ce numéro exige une concentration hallucinante. Comment vous préparez-vous à ça?

R : Depuis un an, je répète environ trois heures par jour. Parfois six heures quand je suis avec mon père. C'est vrai que ça demande beaucoup de concentration. Je fais des exercices de respiration, du Pilates. Il faut aussi savoir que le point d'équilibre des branches change en fonction de la température. Je répète donc toujours dans les coulisses, juste avant ma performance.

Q : Si une branche tombe, recommencez-vous le numéro? Est-ce déjà arrivé?

R : Si la branche tombe au début du numéro, je recommence, oui. Si c'est vers la fin, non. Ce serait trop long de recommencer. Ça m'est arrivé une seule fois d'en échapper une. C'était à Atlanta, dans un casino, avec le Cirque Rigolo. L'air conditionné était beaucoup trop fort. J'ai demandé qu'ils l'arrêtent, mais ils n'ont pas voulu. Quand j'ai échappé mes branches, ils l'ont arrêté, j'ai recommencé et j'ai réussi.

Q : Répondez honnêtement: vous est-il déjà arrivé de vouloir vous gratter le nez ou éternuer pendant ce numéro?

R : (rires) Non, tout ça, c'est psychologique. Les démangeaisons, la toux, les éternuements ou les vertiges apparaissent souvent lorsqu'on se sent inquiet. Quand on est bien entraîné, bien concentré, ça n'arrive pas.

__________________________________________________________________________

Amaluna est présenté au Vieux-Port de Montréal jusqu'au 15 juillet.