Les salles du Quartier des spectacles préparent un projet d'assurance artistique qui leur permettrait de mettre en branle des projets plus risqués ou de plus grande ampleur sans craindre la catastrophe financière, a appris La Presse.

Cette mutuelle, en phase d'élaboration, serait financée par les salles elles-mêmes et par des fonds publics. Elle pourrait investir dans une superproduction appelée à voyager dans le monde entier ou simplement dans le spectacle d'un artiste émergent prometteur, mais dont la capacité à remplir une salle est incertaine.

«Il y a une partie des projets qui serait financée par la mutuelle et une partie financée par le producteur», a indiqué en entrevue Jacques K. Primeau, président du conseil du Partenariat du Quartier des spectacles. Selon lui, ce système permettrait davantage d'audace dans les propositions. Mais «le but n'est pas perdre de l'argent, au contraire».

Le prêt pourrait représenter jusqu'à 30 % du budget d'une production. Le remboursement serait basé au moins en partie sur les revenus de vente: la mutuelle perdrait de l'argent avec un spectacle qui échoue à rallier les foules, mais pourrait en engranger avec un succès.

M. Primeau a expliqué que l'organisme était depuis plusieurs années à la recherche d'un «nouveau modèle de financement» pour développer «des spectacles d'exception, des spectacles uniques» qui pourraient attirer des spectateurs dans le Quartier. La zone représente chaque année «26 % de l'ensemble de la billetterie du Québec», mais les ventes stagnent, selon le producteur. La concurrence des salles de banlieue n'est pas négligeable dans l'équation : des spectateurs préfèrent attendre que leur humoriste ou musicien préféré passe près de chez eux plutôt que de se déplacer jusqu'au centre-ville.

Étape suivante : convaincre les gouvernements de mettre de l'argent dans la mutuelle pour ses 10 premières années d'existence, le temps qu'elle puisse atteindre sa vitesse de croisière. Le président du conseil a préféré ne pas révéler la somme demandée. Il se défend toutefois d'avance: «Ce n'est pas seulement une subvention, c'est un investissement pour générer de l'activité dans le secteur culturel le plus important au Québec.»

«Les billets sont difficiles à vendre»

Le Partenariat regroupe des établissements bien connus, comme le MTELUS, la Place des Arts, le Théâtre du Nouveau Monde et le Théâtre St-Denis, mais aussi des lieux de diffusion beaucoup plus modestes.

«Il y en a qui ont 80 places, d'autres ont 3000 places. Elles vont toutes pouvoir profiter de ce système-là à la hauteur de leur capacité d'investissement et à la hauteur de leur capacité de générer des revenus», explique Jacques K. Primeau.

Au Club Soda, le grand patron Michel Sabourin se réjouit à «l'idée d'une mise en commun des ressources afin que les salles puissent permettre aux producteurs de réduire leurs risques et aller dans des productions plus significatives dans le Quartier». «Les billets sont difficiles à vendre», a-t-il dit, et les salles du Quartier des spectacles «ont été fouettées» par la multiplication des concurrents.

«Dans notre cas, on viserait à augmenter le nombre d'artistes locaux qui sont en mesure de se produire», a-t-il continué. M. Sabourin a donné en exemple un cas où un producteur hésite à programmer un artiste pour un deuxième soir en raison du risque financier.

«C'est très excitant pour nous, cette idée de développer avec nos collègues des projets à la fois inusités et complémentaires à l'offre culturelle», a pour sa part affirmé Sandra O'Connor, directrice du Monument-National. La salle appartient à l'École nationale de théâtre du Canada.

Mme O'Connor a évoqué la possibilité de prendre le risque de produire un projet issu d'une collaboration entre écoles de théâtre.

Quant à M. Primeau, il offre l'exemple de l'opéra Another Brick in the Wall développé par l'Opéra de Montréal l'an dernier. «Un coup que l'investissement est fait, ça offre un potentiel de spectacle de calibre international et donc d'aller chercher des revenus à l'extérieur», a-t-il dit.

Le cabinet de la ministre de la Culture n'a pas rappelé La Presse.

PHOTO BERNARD BRAULT, archives LA PRESSE

Le Quartier des spectacles représente chaque année «26 % de l'ensemble de la billetterie du Québec», mais les ventes stagnent, selon le producteur Jacques K. Primeau.