Superbe visite à l'occasion du 20e FIL: la comédienne Charlotte Rampling et la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton unissent leurs talents pour célébrer la poésie de Sylvia Plath, sur une partition de Benjamin Britten, dans le spectacle intitulé Danses nocturnes. L'intensité et l'émotion seront au rendez-vous.

On ne crée pas un spectacle sans une passion pour son sujet. Pour Charlotte Rampling comme pour Sonia Wieder-Atherton, l'entrée dans l'oeuvre de Sylvia Plath a été une fulgurance.

«Je l'ai découverte dans les années 70 et je n'avais jamais rien lu d'aussi fort, dit la comédienne. C'est un cri. Je pense qu'elle parle "vrai" et que quelqu'un qui s'exprime de manière aussi forte et frontale est assez rare. C'est pour moi d'un courage extraordinaire.»

De son côté, c'est par sa correspondance que la violoncelliste a découvert l'écrivaine. «Je pense que si son oeuvre a toujours une si grande résonance aujourd'hui, c'est parce qu'elle était dans un processus de libération, dit-elle. C'est quelqu'un qui dépassait ce que l'on considérait comme convenable ou possible à dire. Se libérer de la famille, de l'histoire, des angoisses personnelles, elle va très loin là-dedans, et je pense que c'est quelque chose que tous les êtres humains partagent.»

Univers extrême

Le spectacle Danses nocturnes, d'une durée d'une heure, propose la lecture de 11 poèmes de Sylvia Plath - notamment les célèbres Lady Lazarus et Ariel -, qui seront accompagnés des Suites du compositeur Benjamin Britten. Une idée, bien sûr, de Sonia Wieder-Atherton.

«Il y a tellement de variété dans la musique de Britten, des mouvements rythmiques obsédants, des chants absolument magnifiques, comme des échos à ce qui est dit dans la poésie, explique-t-elle. C'est comme une seule partition, en fait. Le passage de la musique aux mots est imperceptible. Ce sont deux langues qui se complètent, qui se répondent. Même si ce sont deux êtres tellement différents, tous ces questionnements, cette force bouillonnante, pouvaient être pris dans la musique de Britten. Et Charlotte et moi, chacune de notre côté, nous sommes presque dans un combat, je dirais, avec cet univers extrême.»

Traduction

Le résultat est concluant auprès du public, selon Charlotte Rampling.

«Il y a une écoute extrêmement forte. Je les attrape dès le début avec Lady Lazarus, qui est d'une violence inouïe. Je marche sur la scène d'un pas très rapide, comme si je les invite à un défi. Ils voient tout de suite le genre de moment qu'on va passer ensemble. Il faut avoir autant de force dans l'écoute qu'en moi, qui transmets la voix de Sylvia. Il ne faut pas être inattentif, c'est pourquoi le spectacle n'est pas long. Mais c'est beaucoup.»

Sur scène, une traduction en français des poèmes accompagne le duo, car il était impensable pour Charlotte Rampling de lire la poésie de Plath dans une autre langue que l'anglais. «Parce que la poésie, ça vient du ventre, c'est un cri primal. La poésie est la chose la plus intime, la plus proche de notre vérité. C'est par hasard que je parle français, et je peux dire des textes fabuleux en français. Mais quand on a la chance d'être bilingue, on a aussi la chance de comprendre la première prise.»

Course de vie

Pour Sonia Wieder-Atherton, qui aime mêler la littérature à la musique, l'expérience de ce duo est bouleversante. «C'est sûr que les Suites de Britten, je ne les jouerai plus de la même façon après ce spectacle. La poésie, plus que la fiction, laisse place à l'imaginaire, ça donne la main à la musique parce que, justement, ça n'explique pas.»

Bien sûr, la fin tragique de Sylvia Plath, qui s'est suicidée à 31 ans, hante les admirateurs de son oeuvre. Comment une voix aussi puissante a-t-elle pu s'éteindre aussi brusquement? Charlotte Rampling a sa propre interprétation. «Parce que c'est impossible d'être et de vivre comme ça. C'est trop fort, il y a trop de hauts et trop de bas, c'est comme un déséquilibre, c'est quelque chose qui ne peut pas durer très longtemps. Dans la course de vie de Sylvia, il y avait une sorte de miracle en échange. On voit ça avec certains créateurs qui sont capables de faire des choses inouïes, peut-être poussés par un élan que nous, nous ne pouvons pas connaître.»

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Danses nocturnes, avec Charlotte Rampling et Sonia Wieder-Atherton, les 19, 20 et 21 septembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Qui est Sylvia Plath

Née en 1932 près de Boston, Sylvia Plath est une poète et écrivaine qui a considérablement marqué les lettres américaines ainsi que le mouvement féministe, qui a vu en elle un symbole de la femme entravée par les conventions. Son oeuvre a surtout été connue après sa mort - elle a d'ailleurs été le premier poète à recevoir le prix Pulitzer à titre posthume. Son écriture, intime et crue, a séduit les lectrices et les lecteurs du monde entier, et l'on compte dans ses titres les plus marquants le roman autobiographique La cloche de détresse, les recueils de poésie Trois femmes, Ariel, Arbres d'hiver, ainsi que ses journaux et sa correspondance. Séparée du poète Ted Hughes, avec qui elle a eu deux enfants, souffrant de dépression, elle mit fin à ses jours le 11 février 1963.