Douze ans après sa première mondiale à Pékin, La lanterne rouge sera présentée jeudi à la Place des Arts par le Ballet national de Chine, pour la toute première fois au Canada.

La lanterne rouge est un ballet en trois actes adapté d'Épouses et concubines, le mythique film lauréat d'un Lion d'argent à la Mostra de Venise, en 1991, de Zhang Yimou. Le cinéaste signe le livret et la mise en scène de cette dénonciation de la polygamie féodale dans la société chinoise ancienne.

Après le succès de sa mise en scène de l'opéra Turandot, à Florence et à Pékin à la fin des années 90, Zhang Yimou s'est associé au Ballet central de Chine pour monter en 2001 une version ballet d'Épouses et concubines d'après son film éponyme adapté du roman de Su Tong.

Applaudie en Chine, en Europe et aux États-Unis plus de 300 fois depuis sa création, La lanterne rouge met en vedette 50 danseurs dans près de 200 costumes.

Cette oeuvre plonge le spectateur au coeur de la Chine des années 20 et de ses traditions familiales millénaires à travers une intrigue plus simple que dans son long métrage, se concentrant autour de cinq figures centrales: le riche maître d'une demeure traditionnelle chinoise et sa femme, une jeune étudiante forcée à devenir sa seconde concubine alors qu'elle est amoureuse d'un acteur de l'Opéra de Pékin et la troisième concubine rongée par la jalousie qui les mènera à une mort certaine.

«L'histoire a dû être simplifiée et quelque peu réinterprétée. C'est très différent du film puisque le langage et l'expression des émotions passent exclusivement par le mouvement corporel. Le fond de l'histoire reste le même, mais les effets de la scène sont différents: les pas sont parfois plus parlants que la parole!», précise le chorégraphe de La lanterne rouge, Xin Peng Wang. Le directeur artistique du Ballet du Dortmund Theater a en effet collaboré étroitement avec Zhang Yimou dans son processus de création.

«Il a couché sur papier le concept et on l'a travaillé ensemble. Il m'a tout de suite mis à l'aise en me disant qu'il n'appartenait pas au monde du ballet, et qu'il voulait surtout me donner des pistes de travail. Il m'a vraiment laissé très libre dans ma création», précise le chorégraphe qui travaille actuellement avec le Ballet national de Chine sur Le sacre du printemps.

Si les principes de la danse classique y ont été respectés, La lanterne rouge s'est également inspirée de l'Opéra de Pékin et de la danse contemporaine au coeur de sa chorégraphie, de ses décors et de ses costumes. Les danseuses sont ainsi vêtues de qipao (robes chinoises traditionnelles), créées par le couturier français Jérôme Kaplan.

Élément central du décor conçu par le designer Zeng Li, les quatre murs entre lesquels le ballet se déroule font partie intégrante de l'histoire, encerclant et emprisonnant la jeune héroïne. En tant que directeur scénique, Zhang Yimou mise aussi sur l'effet spectaculaire de 44 lanternes rouges illustrant le rituel selon lequel, chaque soir, les lampions sont allumés à l'extérieur des appartements de la femme que le seigneur a choisi de venir honorer.

Sur scène, un grand rideau rouge contraste avec un véritable jeu d'ombres chinoises mettant en valeur les mouvements des danseurs.

Un amalgame musical sans pareil

La conception de La lanterne rouge a demandé près d'un an et demi, sans compter les six mois consacrés à la composition musicale par Qigang Chen sur laquelle le chorégraphe Xin Peng Wang a ensuite bâti sa chorégraphie.

Une musique inspirée à la fois des airs de l'Opéra de Pékin, des chants populaires et folkloriques chinois, de la musique à percussion folklorique, ainsi que de la musique moderne, accompagnée de duos de danse, de solos de suona, d'un hautbois chinois, de sheng, d'un orgue à bouche, de duos musicaux d'erhu, d'un violon chinois à deux cordes, et d'un violoncelle.

«Après la révolution culturelle, le Ballet national de Chine a commencé à chercher de nouveaux projets, car ils n'étaient pas vraiment satisfaits de leur travail. La directrice à l'époque était très ambitieuse et a demandé à Zhang Yimou ce qu'il pensait d'une adaptation d'Épouses et concubines. Une fois le projet lancé, il est venu me chercher pour discuter d'une éventuelle collaboration», explique le compositeur.

«À travers ma composition, j'ai cherché à puiser dans l'histoire et la profondeur de la culture chinoise. J'ai toujours voulu créer un tel amalgame entre Orient et Occident», précise-t-il.

Le compositeur franco-chinois a par la suite travaillé à trois reprises avec le cinéaste Zhang Yimou, pour l'un de ses films, mais aussi dans le cadre des Jeux olympiques de Pékin en 2008 dont il a assuré la direction artistique.

«La lanterne rouge reste un projet complètement à part: pas une seule note n'a été modifiée par rapport à ma création originale et tout le monde a été obligé de travailler sur cette base», conclut Qigang Chen.

La lanterne rouge, du 21 au 24 février à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.