Il s'était fait remarquer en 2009 avec Vie et mort du roi boiteux, de Jean-Pierre Ronfard, qu'il avait monté à l'extérieur de l'Espace libre. Depuis, Frédéric Dubois ne chôme pas. En janvier, il montera Le roi se meurt au TNM. Mais cette semaine, le metteur en scène du Théâtre des Fonds de tiroirs reprend Tout ce qui tombe, créée à Québec le mois dernier.

Tout ce qui tombe est né d'un drôle d'alignement des astres. Frédéric Dubois se trouvait en Allemagne en 2006, un voyage qui visait à établir des ponts avec des compagnies de théâtre. Pendant son séjour là-bas, une amie l'a mis en contact avec la comédienne allemande Julianna Herzberg. «C'est elle qui m'a raconté l'histoire de l'évasion de sa famille de l'Allemagne de l'Est en 1989, peu de temps avant la chute du mur» raconte Frédéric Dubois.

«Je lui ai tout de suite demandé si elle accepterait qu'on écrive une pièce à partir de cette histoire-là, poursuit-il. Je ne voulais pas l'écrire moi-même, mais j'ai pensé à Véronique Côté, qui tournait en Europe dans Forêts, de Wajdi Mouawad. Je savais qu'elle avait une sensibilité et un amour très fort pour l'Europe, alors j'ai organisé une rencontre entre les deux filles. Et tout est parti de là...»

L'été suivant, en 2007, Frédéric Dubois, Véronique Côté et Julianna Herzberg ont refait le trajet en voiture qu'avaient fait les parents de Julianna en 1989 pour quitter l'Allemagne de l'Est. Véronique Côté est partie de cette histoire-là pour écrire Tout ce qui tombe. Mais l'auteure de Chaque automne j'ai envie de mourir a superposé trois histoires d'amour et d'évasions, dont celle de Julianna, qui joue le rôle de Rose.

Toute la pièce se passe à Berlin. À trois époques différentes. Les personnages allemands s'expriment en allemand. C'est le cas du couple formé de Rose et Moritz (Julianna Herzberg et Benoit Mauffette) campé en 1989. Il y a un couple mixte, Charlotte et Christophe, qui vit en 1999, autour duquel gravite une autre Québécoise, Marie, qui entretient une liaison avec Christophe et qui viendra en aide à Sophie, une Québécoise expatriée avec son chum Marco. Cette histoire-là se passe en 2009.

«Véronique avait une certaine pudeur d'écrire uniquement une histoire dont le sujet est le communisme, mais elle en avait moins pour raconter des histoires d'amour.» Tout ce qui tombe fait référence à ces murs qui se dressent bien souvent dans des relations amoureuses et qu'on tente parfois avec succès, parfois non, de franchir. «Dans les trois histoires il y a une notion de frontière. Frontière avec l'autre, frontière de la langue. Véronique s'est concentrée sur ce qui nous lie et ce qui nous sépare.»

«Je voulais mettre le texte de Véronique au premier plan, insiste Frédéric Dubois. Ce qui m'intéresse, ce sont tous ces petits hasards qui nous écrivent jour après jour, mais dont nous ne sommes pas toujours conscients. Tchekhov disait que les gens les plus malheureux sont ceux qui sifflent. Ceux qui n'ont pas l'air malheureux finalement... Le personnage de Marie, alter ego de Véronique Côté, pose la question: «si on était conscients des moments où quelqu'un pense à nous, est-ce que ça changerait quelque chose?»»

Une grande courtepointe

La mise en scène a été construite autour de cette idée que les personnages sont constamment sur scène, malgré leur solitude, en dépit de la différence des époques. «On est toujours conscients de la présence de l'autre, même si les personnages ne jouent pas ensemble, détaille Frédéric Dubois. C'est une grande courtepointe où chaque morceau est unique. Ça ressemble à une grande chorégraphie, où on sent l'urgence, l'espoir, le besoin de l'autre aussi. Je me suis inspiré de l'univers de Pina Bausch dans les mouvements des interprètes.»

Sur la scène, il y a un grand mur qui évoque le mur de Berlin. «Ce mur est tenu par le plateau, comme s'il y avait des cordes qui partaient du plancher et qui tenaient le mur, explique Frédéric Dubois. Le plateau est aussi encombré d'objets du quotidien, des choses qui nous définissent et qui nous racontent.» À quoi reconnaît-on la signature du metteur en scène de Québec? «Par la contrainte dans l'espace, répond Frédéric Dubois. J'aime placer les acteurs dans un espace qui les handicapent et dans lequel ils doivent trouver leur chemin.»

Au Théâtre d'Aujourd'hui du 30 octobre au 17 novembre.