En attendant la sortie du film Ésimésac, qu'il a scénarisé, l'attachant bonimenteur Fred Pellerin remonte sur scène avec De peigne et de misère, spectacle de fin du monde et d'espoir présenté cette semaine au Théâtre Outremont.

Ésimésac, l'homme fort de Saint-Élie-de-Caxton, est resté dans le ventre de sa mère pendant au moins 15 ans. Il est né poilu, parlant et marchant. Fred Pellerin ne s'en vante pas, mais il est un accoucheur bien plus efficace que la mère Gélinas: il n'a mis que 8 mois et 12 soirées de laboratoire devant public pour donner naissance à De peigne et de misère.

«Je pense que c'est l'écriture au cinéma qui m'a appris à mieux me structurer. Quand j'arrive sur scène, j'ai plus d'élagage de fait et une meilleure structure de prête», évalue-t-il. L'effet est mathématiquement indéniable: il a coupé de moitié le nombre de soirées d'improvisation nécessaires pour roder et charpenter un spectacle.

De peigne et de misère s'attarde à un personnage déjà très présent dans L'arracheuse de temps: Méo, le barbier porté sur la bouteille qui ne fait pas toujours le tour des oreilles avant de donner un coup de ciseaux. Après avoir affronté la mort - la sienne, du moins - le «décoiffeur» du village sera confronté à une tâche un chouia plus herculéenne: il devra sauver l'humanité.

Comment le barbier amateur de gros gin se retrouve-t-il au centre de l'univers? «Tout le monde passe sur sa chaise, alors il a accès à la tête de tout le monde à travers les cheveux de ses clients», raconte Fred Pellerin. Méo connaît les petites joies et les grandes frustrations de ses concitoyens, alors il tire les ficelles et gère les tensions. En résumé, c'est lui tient l'univers en place.

Puisqu'il porte déjà le poids de son village sur ses épaules, le coiffeur se retrouvera naturellement à porter celui de toute l'humanité. «C'est à lui que reviendra la tâche de choisir une fin du monde... ou la façon de nous en sauver», révèle le conteur.

Transports collectifs

En mettant en scène une galerie de personnages habitant le même village, Fred Pellerin a toujours transmis une vision du monde ou la collectivité se trouvait au coeur des choses. «Vivre seul, ça ne vaut pas le coup», tranche-t-il. De peigne et de misère serait son spectacle le plus «ouvert», un véhicule pour parler d'espoir et d'humanité. «Pas comme un groupe, précise-t-il d'emblée, mais d'humanité en tant qu'attitude.»

Fred Pellerin se dit tiraillé par notre incapacité collective à nous définir et par «l'échec de notre rapport à l'autre». Il a envie de «marcher vers quelque chose collectivement. Le conteur ne parle pas précisément de souveraineté lorsqu'il songe à un projet de société. Il parle de valeurs et de bien commun. «Où sont les phrases pour lesquelles ont sortirait tous dans la rue?», se demande-t-il.

«J'ai appris à vivre en gang, poursuit le conteur. À souper en gang, quatre ou cinq fois par semaine. Tout ça, c'est du réel. Ce n'est pas des théories ou des convictions, c'est un mode de vie. Et c'est grand quand ça marche à 30 autour d'une table, alors je me dis que ça doit être immense si ça marche ensemble en millions. J'aspire à ça, je rêve de ça et me dis: maudit que ça donnerait du sens.»

Son nouveau spectacle, Fred Pellerin le voit comme une entourloupette pour se donner de l'espoir. Plusieurs soirs par semaine, dans tous les recoins du Québec et même en France, il va mitonner de l'espoir et le servir bien chaud avec ce dosage exquis de bagout, d'humour et d'exagérations. Une recette héritée de sa grand-mère.

Les 16 et 17 octobre au Théâtre Outremont et les 18, 19 et 20 octobre au Théâtre Maisonneuve.

Bientôt au cinéma

«Ce n'est pas le fun, un scénario. C'est fait pour être compris, pas pour être le fun», insiste Fred Pellerin. Le conteur ne s'en réjouit pas moins de voir un deuxième film tiré de son univers. Luc Picard, qui a réalisé Babine (2008), est de nouveau aux commandes pour Ésimésac, long métrage inspiré en partie de contes tirés de son spectacle Comme une odeur de muscles qui prend l'affiche le 30 novembre.

«Ce n'est plus une tirade sur la ruralité, prévient le conteur. Pour le spectacle, ça tenait, mais pour un film...» Fred Pellerin a trouvé une autre poutre maîtresse pour soutenir une histoire qui, selon ce qu'a déjà dit Luc Picard, constitue désormais une métaphore de l'ego. Ou une déclinaison du syndrome du Sauveur.

Ésimésac Gélinas, interprété par le jeune Nicola-Franck Vachon, demeure un jeune homme doté d'une force surnaturelle et, de toute évidence, d'une volonté de fer, puisqu'il tentera de mobiliser son village dans ce conte où il est question de famine et de progrès.

Fred Pellerin a pris ses distances du tournage, cette fois-ci. «Babine, je l'ai senti de vraiment proche. Je parasitais le plateau, juge-t-il après coup. Je me suis fourré le nez jusque dans la salle de montage. Par plaisir. J'étais content de voir le passage du texte à l'écran.»

Alors que Babine misait beaucoup sur les décors virtuels, Ésimésac a pu être tourné en partie à l'extérieur. «Ça grounde encore plus le réel, juge Fred Pellerin. De la vraie poussière de garnotte, ça peut s'imiter, mais quand c'est de la vraie, il y a quelque chose de plus.» Un vernis de réalité en plus n'a jamais nui aux envolées imaginaires.

Le phénomène

C'est un monde

Publié en novembre 2011, son plus récent disque s'est écoulé à plus de 65 000 exemplaires à ce jour. Il est en lice pour le Félix de la critique, de l'album folk de l'année et du meilleur vendeur au prochain gala de l'ADISQ. Fred Pellerin est aussi dans le course pour le trophée de l'interprète masculin de l'année.

De peigne et de misère

Sa nouvelle tournée, qui s'étirera jusqu'au printemps 2014, «affiche complet dans presque tous les lieux de représentation où la mise en vente des billets a débuté», selon sa productrice.

Comme une odeur de muscles

Créé en 2004, Comme une odeur de muscles est son spectacle le plus populaire avec 432 représentations.