L'amitié, la beauté, les préjugés, la soif d'ambition versus le désir de faire le bien pour la collectivité. Tous ces thèmes sont abordés dans la comédie musicale Wicked. Entrevues avec les deux jeunes femmes qui tiennent les rôles principaux, de même qu'avec Marc Platt, qui a pris le risque de coproduire ce spectacle à grand déploiement pour Broadway il y a 10 ans.                

«C'est l'amitié improbable entre deux jeunes filles qui veulent faire le bien à leur façon», indique Christine Dwyer, qui interprète le personnage de la sorcière verte dans la comédie musicale Wicked. «Avec tout ce qui se passe dans les écoles avec l'intimidation, c'est une histoire qui est très d'actualité.»

Elphaba est née avec un teint vert, car elle est une enfant illégitime. Elle est rejetée par son père, puis par ses camarades de classe quand elle arrive à l'université. Elle est marginale et à l'écart des autres. À l'inverse, Galinda est belle et populaire.

Pour Christine Dwyer, le «vert» de son personnage est une métaphore de tous les préjugés qui existent dans la société, que ce soit en lien avec «la race ou l'orientation sexuelle».

Présentée à la Place des Arts du 1er au 26 août, la comédie musicale Wicked est l'oeuvre de Stephen Schwarz (paroles et musique) et Winnie Holzmann (livret). L'histoire est basée sur le roman de Gregory Maguire, paru en 1995, Wicked: The Life and Times of The Wicked Witch of The West, plutôt que sur le roman écrit en 1900 par Lyman Frank Baum, livre qui a inspiré le film Le Magicien d'Oz, ce classique mettant en vedette Judy Garland, en 1939.

Le bouquin de Maguire est une extrapolation de l'histoire de Baum qui adopte le point de vue des sorcières, avant l'arrivée de Dorothée.

Dans Wicked, Elphaba devient une sorcière alors que Galinda devient une sorte de fée surnommée Glinda. Mais ni l'une ni l'autre ne représente «la méchante». Au contraire, les deux adolescentes deviennent des amies, même si leurs tempéraments sont à l'opposé. «Les deux personnages essaient de faire le bien», indique Christine Dwyer.

Quand elle étudiait en théâtre musical, la jeune actrice avait appris la première chanson que son personnage chante sur scène. Elle ne pouvait se douter qu'elle gagnerait un jour sa vie en interprétant Elphaba, un premier rôle qu'elle a obtenu après en avoir été la doublure.

Sa complice Jeanna De Waal n'avait elle aussi aucune idée prémonitoire quand son père l'a amenée voir Wicked à Londres à l'âge de 16 ans. Elle interprète aujourd'hui Glinda dans la tournée qui s'arrêtera à Montréal... rôle qu'elle tient depuis quelques semaines seulement. «Mon plus gros rôle à vie», confie l'actrice de 24 ans.

«Mon personnage est superficiel, mais son désir d'être une bonne personne est plus fort, explique-t-elle. Wicked, c'est l'histoire de deux adolescentes qui deviennent des adultes. Il est question de la relation des femmes par rapport à l'amour, au travail et à l'ambition.»

«Wicked est pour les 8 à 88 ans», renchérit Marc Platt, l'un des producteurs de Wicked. «Ça touche différents plusieurs publics. Les enfants admirent les costumes et le décor, les adolescents aiment le personnage marginal d'Elphaba, et les plus vieux aiment découvrir les personnages du film d'une autre façon.»

Elphaba et Glinda sont toutes deux appelées à gouverner leur pays avec le faux magicien d'Oz. «Il y a des liens entre l'intrigue et la politique actuelle, poursuit Marc Platt. Comment les gens qui ont soif de pouvoir utilisent l'ignorance de certaines personnes avec la désinformation.»

Marc Platt, à l'autre bout du fil, est à Los Angeles. À l'heure actuelle, il produit deux importants films à Hollywood: 2 Guns, avec Denzel Washington et Mark Wahlberg, et A Winter's Tale avec Russell Crowe. «Récemment, j'ai produit le film Drive avec Ryan Gosling», précise-t-il.

Il y a plus de 10 ans déjà, Platt est revenu à ses premières amours en donnant naissance à Wicked. «Quand j'étais plus jeune, je produisais du théâtre avant de travailler en cinéma.»

Disons que son retour à la scène s'est fait en grand. «Wicked est mon premier projet à Broadway. Au départ, cela devait être un film, mais je n'étais pas satisfait du scénario. Je trouvais que ça manquait de magie et que le pays d'Oz était difficile à distinguer de celui de film. Je voulais pouvoir créer un autre imaginaire.»

Changer de cap en destinant le projet aux planches de Broadway n'était pas sans risque. «Je développais le film avec Universal et beaucoup d'argent était en jeu, raconte Marc Platt. C'est risqué de faire une comédie musicale, car il suffit de mauvaises critiques pour que le show ne dure pas.»

L'avenir lui a donné raison: après sa première en octobre 2003, Wicked a fracassé plusieurs records à Broadway.

Et Marc Platt souligne que Wicked a été l'instigateur de la vague de films à Hollywood qui revisite des classiques pour enfants. Alice aux pays des merveilles et Blanche-Neige, par exemple. «D'autres gens se sont inspirés de cette idée de raconter avec un autre point de vue des histoires que nous connaissons déjà. Un film se prépare même sur La Belle au bois dormant.»

Pour beaucoup de jeunes enfants d'aujourd'hui, la première référence du magicien d'Oz n'est pas celle du film de 1939 avec Judy Garland, mais celle de la comédie musicale Wicked, se réjouit le producteur.



Wicked au fil du temps

La première de Wicked a eu lieu le 30 octobre 2003 au Gershwin Theater de Broadway, à New York.

Le budget de départ était de 14 millions de dollars. Quatorze mois ont suffi à rentabiliser la production.

Wicked a récolté 10 nominations aux Tony Awards.

Toujours à l'affiche sur Broadway, la production est aussi présentée en permanence à Londres, à Amsterdam, en Corée et au Japon. Deux autres troupes de Wicked sont en tournée dans le monde.>

La toute première tournée de Wicked a débuté à Toronto en mars 2005. C'est la première fois que cette production sera présentée à Montréal.

Un spectacle au féminin

Oubliez le film avec Dorothée, que l'on ne voit même pas sur scène et que la fée Glinda ne fait que saluer. Quant au lion, à l'homme de fer et à l'épouvantail, ils n'ont somme toute que de petits rôles dans la deuxième partie de la comédie musicale qui dure presque trois heures.

L'histoire de Wicked est inspirée du livre de Gregory Maguire, Wicked: The Life and Times of the Wicked Witch of the West, écrit en 1995, longtemps après le populaire film Le Magicien d'Oz (1939), adapté du livre pour enfants de Lyman Frank Baum (1900).

Le livre revisite le passé et l'enfance des sorcières. Malgré leurs différences (Elphaba est laide et rejetée, Glinda est magnifique et populaire), les deux adolescentes deviennent amies à l'université et elles tombent amoureuses du même garçon.

Elphaba a le teint vert, car elle est une enfant illégitime à qui on a jeté un mauvais sort. Comble du malheur: sa mère est morte en accouchant de sa jeune soeur handicapée (sur qui la maison de Dorothée tombe).

Elphaba a des dons de sorcellerie. Elle ira rencontrer le (faux) magicien d'Oz et constatera que ses pouvoirs inexistants permettent de garder le régime du royaume en place. Stupéfaite, Elphaba refusera de lui céder ses pouvoirs, alors que Glinda considérera plutôt que ses faux dons magiques rassurent le peuple. La première sera donc méprisée et pourchassée par le peuple des Oziens, tandis que la seconde sera adulée au point de devenir la gouverneure du royaume d'Oz. Mais l'amitié entre les deux jeunes femmes survivra au fil du temps en cachette...

Une histoire compliquée? Davantage que celle du Lion King, par exemple. Mais disons que les nombreuses intrigues sont plus difficiles à résumer qu'à comprendre.

Ajoutez à cela des costumes, des décors et des éclairages portant la signature de Broadway avec de nombreux tableaux musicaux où le public en a plein les yeux et les oreilles.

Les scènes à l'école peuvent rappeler l'imaginaire de Harry Potter, alors que d'autres font référence à des films pour adolescentes comme Mean Girls ou Legally Blonde, avec une touche de conte de fées.

Par rapport à d'autres comédies musicales, Wicked est plus narrative que spectaculaire, et plus «fi-fille». Grâce aux thèmes abordés et à la qualité des chansons, un grand public peut néanmoins y trouver son compte.

La vie de tournée: toute une discipline!

Le soir, Christine Dwyer ne sort pas. Celle qui interprète le personnage principal d'Elphaba doit préserver sa voix. Tous les matins, elle suit religieusement son entraînement. «Pour que ma voix soit à son mieux, mon corps doit l'être aussi», dit-elle. Il faut être en forme pour monter sur scène trois heures par soir, six jours par semaine, en dansant et en chantant comme Céline Dion. «Les filles ne prennent pas de produits laitiers, ne boivent pas d'alcool et ne mangent pas de produits acides pour éviter les reflux gastriques», explique Erica Norgaard, directrice de tournée, en tournée depuis huit ans. Mme Norgaard n'a pas de maison: Seattle est devenue la ville où elle prend ses deux petites semaines de vacances par année.

D'autres comédies musicales à Montréal?

Après The Lion King et Wicked, le promoteur evenko veut accueillir d'autres comédies musicales à Montréal. «Nous travaillons sur trois productions qui pourraient être présentées dans la prochaine année», indique Christine Montreuil, gestionnaire des relations publiques. Attendez-vous à des annonces pour Rock of Ages et Billy Elliot.

La production en chiffres

30

Vue par plus de 30 millions de spectateurs, Wicked a engrangé des recettes totales de 2,5 milliards.

75

La troupe qui sera à Montréal compte 75 personnes, dont quelque 35 acteurs et actrices.

13

Il faut 13 semi-remorques pour transporter les décors.

179

Les costumes sont faits à partir de 179 sortes de cuir.

40

La robe bleue de Glinda pèse 40 livres.

2h45

Durée du spectacle: 2h45 (avec entracte)