Le décès, hier matin, de l'humoriste-imitateur Jean-Guy Moreau, à la suite de problèmes rénaux et cardiaques, a frappé de plein fouet le milieu humoristique québécois, déjà fortement ébranlé par la récente disparition de Serge Grenier.

Les Québécois se souviendront longtemps de ses personnifications, celle de l'ancien maire Jean Drapeau, bien sûr, mais aussi de ses imitations de René Lévesque, Gilles Vigneault, Robert Charlebois ou René Angelil, qui disait d'ailleurs de Jean-Guy Moreau qu'il avait «pogné» sa façon de penser. Comme un imitateur de l'âme.

L'humoriste de 68 ans, dont 50 de vie artistique, avait été conduit à l'hôpital en fin de semaine, quelques jours après s'être produit à Longueuil avec sa bande de copains d'Il était une fois... la boîte à chansons, Claire Pelletier, Pierre Calvé, Pierre Létourneau, Michel Donato, Michel Robidoux et Jérôme Charlebois.

Depuis une dizaine d'années, sa santé déclinait. En 2001, il avait fait une hémorragie interne. En 2005 et 2006, il avait eu des complications cardiaques. En octobre 2010, il s'était fracturé la hanche. L'automne dernier, son état de santé s'est encore détérioré. Avec son style incomparable, il avait alors dit à La Presse qu'aller à l'hôpital était «comme rentrer mon char au garage; mais je veux que mon char marche, car dans ma tête, j'ai 38 ans».

«Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui n'allait pas, dit Claire Pelletier. Il y avait peut-être des choses qu'il ne voulait pas nous dire, parce que Jean-Guy était secret. Il avait une certaine pudeur.»

En France pour des engagements professionnels, Robert Charlebois a appris la nouvelle hier matin au téléphone.

«Mon père a beaucoup de peine ce matin, nous a confié son fils Victor Charlebois. Ils étaient les meilleurs amis depuis l'âge de 9 ans, et il était le parrain de mon frère Jérôme. C'est une journée difficile pour nous, aujourd'hui. Ça me fait de la peine d'entendre mon père pleurer comme ça, d'autant qu'il ne pourra pas assister aux funérailles. On sera présent pour représenter notre famille. Pour mon père, c'est une page de sa vie qui se ferme.»

Stéphane Laporte considère que c'est un monument de l'humour québécois qui vient de s'écrouler. Selon lui, c'est grâce à Claude Landré et Jean-Guy Moreau qu'ont percé par la suite les André-Philippe Gagnon ou Pierre Verville.

«Il a lui-même créé sa propre concurrence, dit-il. Ce qui m'attriste, c'est qu'il n'aura pas eu d'hommage. Et deux des principales têtes d'affiche des premières années de Juste pour rire, Serge Grenier et Jean-Guy, sont décédées à quelques jours d'intervalle.»

L'humoriste Maxim Martin était bouleversé, hier. Il connaissait Jean-Guy Moreau depuis 1998, année de son premier spectacle solo. Il regrette, lui aussi, qu'on n'ait pas eu le temps de lui rendre un hommage à la hauteur de sa contribution.

«Ces derniers temps, on ne mentionnait pas beaucoup que Jean-Guy faisait partie des grands, dit-il. C'était un homme qui avait beaucoup de respect pour ce métier. Parfois, il me disait qu'il trouvait dommage qu'il y ait une certaine vague aujourd'hui qui joue sur la facilité en humour. Il ne faisait pas juste habiter des personnages, il les faisait vivre.»

D'ailleurs, on pourra encore voir Jean-Guy Moreau camper un personnage. Il joue en effet un rôle de policier, avec Maxim Martin, dans la série policière Manigances, dont 11 des 13 épisodes ont déjà été diffusés sur kebweb.tv.

Stéphane Laporte croit que le tournant de la carrière de Jean-Guy Moreau a été le spectacle Tabaslak!, écrit par Jacqueline Barrette en 1975. «C'est un des plus grands spectacles d'humour, dit-il. C'était un spectacle conceptuel comme il y en avait rarement eu avant.»

Avant Jean-Pierre Plante, l'auteure Jacqueline Barrette est celle qui avait mis du contenu dans les imitations de Jean-Guy Moreau. Ce dernier considérait d'ailleurs que Tabaslak! avait été pour lui un véritable «cadeau».

«J'ai entendu dire qu'il ne voulait pas qu'il y ait d'acharnement thérapeutique, nous a dit Mme Barrette. Ça ne m'étonne pas de Jean-Guy. C'était un être drôlement passionné. La vie sans passion, non merci.»

On peut voir des extraits de spectacles sur le site web jean-guymoreau.com. De plus, ARTV rediffusera une émission sur lui, vendredi à 21h, samedi à 9h30 et dimanche à 15h30.