L'éclairagiste Martin Labrecque retrouve son complice Serge Denoncourt pour la création d'Ana, sur les planches d'Espace GO. L'occasion idéale de parler «lumières» avec ce travailleur de l'ombre.

Le concepteur d'éclairages Martin Labrecque a travaillé sur une quarantaine de projets avec le metteur en scène Serge Denoncourt au cours des 15 dernières années. Des paires comme celle-là, il en existe d'autres: Étienne Boucher et Robert Lepage, Éric Champoux et Wajdi Mouawad. Les premiers étant souvent éclipsés par les seconds...

Pourtant, ces travailleurs de l'ombre jouent un rôle de premier plan auprès des metteurs en scène, qui leur accordent plus ou moins d'importances, selon le cas.

Le concepteur des éclairages est au service de la vision du metteur en scène, dit Martin Labrecque. Tu es aussi bon que le metteur en scène te laisse l'être. Tu ne peux pas faire ton trip d'éclairages de ton bord. C'est avec lui que j'analyse le texte, que je règle l'intensité des éclairages et que j'élabore le plan d'éclairages. Serge et moi, on se comprend bien tous les deux.»

Même son de cloche du côté du metteur en scène, Serge Denoncourt. «L'éclairage est un personnage. C'est un langage en soi, explique-t-il. Martin est un prolongement du jeu des acteurs, ce qui est très rare pour un éclairagiste, il ne fait pas que des effets pour éclairer. Il est un prolongement des émotions, du jeu des acteurs, de ma pensée. C'est la personne dont j'ai le plus de difficulté à parler ou alors dont je peux parler le plus.»

Que ce soit pour identifier des lieux, faire des retours dans le temps, créer des ambiances ou mettre l'accent sur ce que vivent ou pensent les personnages, les éclairages font partie des codes destinés au public, qui rendent l'oeuvre sensible et intelligible. «Certains disent que le meilleur éclairage est celui qu'on ne voit pas. Je ne suis pas d'accord. Au contraire, je pense qu'il faut le voir. Les éclairages font partie des outils qui nous permettent de raconter une histoire.»

Le tandem Labrecque-Denoncourt présentera le 22 novembre la pièce Ana, production Québec-Écosse coécrite par Pierre-Yves Lemieux et Clare Duffy. L'an prochain, ils se retrouveront chez Duceppe pour la nouvelle création de Michel Tremblay, L'Oratorio de Noël (le 15 février). Chaque fois, c'est l'occasion pour l'éclairagiste de se prendre une bonne dose d'adrénaline.

Je suis le dernier maillon de la chaîne. Pour concevoir des éclairages, il faut voir des enchaînements, il faut que la mise en scène soit au point et il faut se trouver dans la salle de spectacle, précise Martin Labreque, qui est l'un des fils du cinéaste Jean-Claude Labrecque. Au théâtre, même si on a lu la pièce et qu'on l'a annotée, notre travail commence à une semaine de la première!»

La commande de Serge Denoncourt à Martin Labrecque: «Une lumière brechtienne qui dévoile. Une lumière crue et dure, doublée d'une lumière magique, parce qu'il y a une dimension magique à cette fable, précise le metteur en scène. Lui va construire ça.»

L'éclairagiste a une semaine pour y arriver!