Même le fait de rater une soirée historique au Bolchoï de Moscou ne peut altérer la bonne humeur du chorégraphe canadien Peter Quanz ces jours-ci.

Le légendaire théâtre russe consacrera ainsi, le 11 octobre, un programme entier à des oeuvres choisies de M. Quanz, faisant de lui le premier chorégraphe canadien à être célébré d'une telle façon. Mais l'homme originaire de Baden, en Ontario, ne s'en fait pas trop, puisque la première de son ballet Rodin/Claudel sera donnée deux jours plus tard. La production, qui tiendra l'affiche pendant deux semaines, donnera le coup d'envoi à la saison 2011-2012 des Grands Ballets Canadiens de Montréal.

Le fait d'avoir une soirée consacrée à ses oeuvres au Boïlchoi représente ni plus ni moins qu'un rêve, a reconnu le chorégraphe de 32 ans, mercredi, lors d'une entrevue accordée à La Presse Canadienne tout en précisant que la première montréalaise de Rodin/Claudel représentait elle aussi un rêve devenu réalité.

Non seulement Rodin/Claudel est une première importante, mais elle a lieu chez lui, au Canada, et elle sera interprétée par une troupe de ballet prestigieuse. Il s'agit par ailleurs du premier ballet complet de M. Quanz à être présenté en Amérique du Nord.

L'oeuvre relate la tumultueuse relation unissant les sculpteurs français Auguste Rodin et Camille Claudel. Rodin était âgé de 43 ans lorsqu'il a fait la rencontre à Paris en 1883 de Claudel, qui n'en avait que 19. Leur histoire d'amour aura duré des années, mais Rodin a toujours refusé de quitter Rose Beuret, avec qui il a eu un fils. Claudel a lutté contre la précarité financière et sa santé mentale a dépéri au fil des ans.

Le chorégraphe ontarien, formé au Royal Winnipeg Ballet School, a souligné que la relation complexe unissant Rodin à Claudel était toute naturelle pour un art comme le ballet.

«C'est une histoire dramatique et passionnée», a mentionné M. Quanz, qui a collaboré avec l'American Ballet Theatre, le Britain's Royal Ballet et le Ballet National de Cuba.

«C'est une histoire d'amour, de haine et de folie. Cela implique l'art - dans ce cas-ci, la sculpture - , et le corps. C'est une histoire parfaite pour le ballet, parce qu'elle est physique», a expliqué le chorégraphe.

M. Quanz n'avait que neuf ans lorsqu'il a réalisé ce qu'il voulait faire de sa vie. Ses parents l'avaient emmené au théâtre à Stratford, situé à 20 minutes de la communauté mennonite de Baden, et il avait été fasciné par les changements de décor.

«J'ai confié à mon professeur que je voulais faire ça», a-t-il raconté. «Je voulais être la personne qui fait bouger les gens sur une scène.» L'enseignante lui demandant s'il ne préférerait plutôt pas être sur scène, la réponse du garçon a été sans équivoque. «Non, non, non, je veux être celui qui a les idées. Elle m'a envoyé à l'école de ballet, j'avais alors neuf ans», a poursuivi M. Quanz.

Quant à savoir si son choix professionnel a suscité des remous dans cette petite ville rurale de l'Ontario, il y a 25 ans, le chorégraphe a précisé que ses parents prenaient soin de ne pas se montrer trop enthousiastes face à ces cours de ballet. «J'ai grandi dans une communauté mennonite, et la danse ne fait pas partie de notre culture», a-t-il expliqué.

«Ce n'est tout simplement pas compris. Il s'agit d'une question d'éducation et de la façon de voir les arts. Tout cela se place avec le temps», a conclu M. Quanz.