Le festival Montréal complètement cirque offre une programmation extérieure hors norme avec les Minutes complètement cirque, genre de flash-mobs scénarisées réunissant 50 artistes de cirque qui surgissent par moments pour se fondre dans la ville et faire leurs numéros dans des lieux inusités. Créé entièrement à Montréal, ce projet fou est mené avec passion par le metteur en scène Anthony Venisse.

Imaginez: vous sortez du cinéma, d'un café ou d'une boutique de la rue Saint-Denis, dans le Quartier latin, et passent devant vous une cinquantaine d'artistes costumés, aux gestes étrangement synchronisés. Ils vous entraînent jusqu'à un lieu mystérieux et là, un numéro de cirque commence. Mais les acrobates ne sont pas nécessairement devant vous - ils peuvent aussi être accrochés à un balcon ou carrément juchés sur un toit.

Inspirées des flash-mobs, les Minutes complètement cirque sont pour la deuxième année la pierre angulaire de la programmation extérieure de Montréal complètement cirque. S'intégrer à la ville: c'est ce que vise le festival. «Nous n'avons pas 20 ans d'expérience et nous n'avons pas l'ambition d'organiser de gros spectacles extérieurs sur scène, explique la directrice de l'événement, Nadine Marchand. Le cirque vient de la rue, de la marge, et dès le départ, c'est ce que nous avons voulu faire, prendre notre place en ville.»

Les spectateurs doivent avoir l'impression que les artistes surgissent du bitume, des trottoirs et des murs pour envahir la ville... et ensuite s'évanouir dans la nature. On peut tomber sur eux par hasard, mais aussi les suivre en vérifiant sur la page Facebook du festival le lieu et l'heure de la prochaine Minute, soit aux abords de la rue Saint-Denis, soit à la place Émilie-Gamelin.

L'équivalent d'un spectacle

Neuf numéros-concepts d'une vingtaine de minutes, mettant en vedette des jeunes passionnés de cirque issus de différentes écoles du Québec, ont été élaborés. L'artiste et metteur en scène Anthony Venisse est aux commandes de cette tâche colossale.

C'est presque comme monter un spectacle de cirque au complet, lui glisse-t-on lorsqu'on le rencontre à l'École nationale de cirque, alors que les répétitions battent leur plein. Modeste, Anthony Venisse commence en minimisant un peu: chaque concept compte 15 minutes de «ratissage» pendant lesquels les 50 artistes parcourent la foule, et 5 ou 6 minutes de «numéro» à géométrie variable, allant du solo à la troupe au complet.

Puis, il finit par admettre que le ratissage demande autant, sinon plus de préparation que les numéros comme tels. «Pour que l'improvisation fonctionne, il faut travailler. Nous avons mis beaucoup de temps à élaborer le vocabulaire, le type de mouvement qu'ils doivent faire, leur capacité d'action-réaction. On ne ferme pas la rue pendant les Minutes, alors ils doivent être prêts à tout.»

À la fin de l'entrevue, Anthony Venisse accepte de faire le calcul et évalue qu'il met en scène l'équivalent de trois heures de spectacle, dont presque une heure de numéros de cirque originaux. «C'est du temps plein depuis janvier, et du temps triple depuis plusieurs semaines déjà», dit-il en avouant qu'en ce moment, il ne dort que «quelques heures par nuit»: les répétitions commencent très tôt le matin, et se terminent pendant la nuit. Tout le monde n'a pas besoin d'y être mais lui, oui.

Deux innovations

Mardi soir, le metteur en scène de 35 ans se promenait entre les acrobates du numéro aérien et les équilibristes pendant que d'autres minutiens, comme on les appelle gentiment, s'entraînaient à côté. Où seront suspendus les trapèzes et les tissus une fois dehors? Mystère... mais on finit par apprendre que les équilibristes feront leur numéro sur un toit. Celui des «Juliette», auquel nous assistons aussi en partie, aura lieu sur trois niveaux de balcons d'un hôtel.

Deux innovations cette année: la Minute multimédia, place Émilie-Gamelin, basée sur l'interaction et à laquelle «la technologie est invitée à se joindre à nous», explique Anthony Venisse. Puis la Minute publique, pendant laquelle «des spectateurs prennent la place des minutiens, et où les minutiens deviennent spectateurs» - l'inscription sur Facebook est requise, cependant.

«Le corps acrobatique se marie très bien à l'espace urbain», croit Anthony Venisse, pour qui le plaisir a été le vecteur principal de création. Si les Minutes n'ont rien du spectacle de cirque traditionnel, il refuse de parler d'innovation. «Tout a déjà été fait, dit celui qui est tombé dans l'art du cirque à 8 ans. Et tout le monde innove, à sa façon.» Mais créer neuf numéros de cirque urbain avec une troupe de 50 personnes est certainement assez rare. «Je reprends l'idée de la flash-mob, c'est la base. Mais le théâtre de rue est là aussi depuis toujours. J'ai fait une somme de ce que je connais et de ce qui existe.»

Il est clair cependant que c'est un projet complètement fou, qui demande 100 fois plus de travail qu'il ne l'imaginait. «Mais si on s'arrête à ça, on ne fait jamais rien.»