Vous fantasmez sur un show de Sylvain Cossette pour vos 40 ans? Une performance acoustique de Michel Rivard pour votre anniversaire de mariage? L'humour de Sylvain Larocque pour votre party de bureau? Ils sont tous disponibles pour des spectacles privés - si vous êtes prêt à y mettre le prix. Incursion derrière les rideaux d'un phénomène méconnu, mais en pleine explosion: les «corpos».

Les «spectacles corporatifs» sont vieux comme le monde. Il y a 20 ans, dans la communauté artistique, les réticences étaient énormes. Pour des questions d'image, d'intégrité artistique... Plus maintenant. La chute faramineuse des ventes de CD a obligé chanteurs et groupes à changer leur fusil d'épaule. Comme le dit Jean-Marc Pisapia, le chanteur de The Box: «Maintenant, tu gagnes ta vie avec tes concerts. Avant, c'était l'inverse: les shows étaient destinés à promouvoir les CD. Mais j'ai jamais fait d'argent avec les disques anyway.»

L'humoriste Sylvain Larocque est tout aussi direct. «Ça a toujours été l'argent. Le corpo, c'est le pain et le beurre pour bien des artistes», explique celui qui donne trois, quatre performances du genre par mois, selon les années. Il est vrai que ça peut être payant: Corneliu a déjà obtenu 5000$ pour deux chansons!

Et puis, l'exemple vient de haut, maintenant. Elton John, Rod Stewart et les Eagles offrent tous des spectacles privés... à plus d'un million de dollars de l'heure! Kiss aussi, mais ça, on s'en doutait. En fait, les seules limites à ces concerts privés sont celles de l'imagination. L'excentrique groupe alternatif The Flaming Lips s'est récemment produit avec un orchestre symphonique devant l'Association des maires des États-Unis!

Le Mouvement Desjardins a retenu les services d'André-Philippe Gagnon, un habitué du genre qui demande entre 30 000$ et 50 000$, et de l'École de cirque de Québec pour un spectacle exclusif en 2008, lors du 400e de Québec. Récemment, Louis-José Houde a donné un spectacles privé, à Québec, au bénéfice des auditeurs de la radio NRJ. Quant à Debbie Tebbs, DJ québécoise de l'année en 2009, elle a déjà animé une soirée à un congrès d'entrepreneurs de pompes funèbres...

Même les particuliers peuvent y trouver leur compte, pour un mariage ou un événement spécial. Vincent Beaulieu, agent d'artistes de Québec, se rappelle d'une femme qui a offert Patrick Norman à son amoureux pour ses 60 ans... dans leur cour arrière!

Changements

Le métier a beaucoup changé depuis 10 ans, lorsque Vincent Beaulieu a commencé en autodidacte dans le sous-sol de sa mère. L'homme de 33 ans a appliqué le système D, sollicitant sans relâche artistes et producteurs. Ex-musicien, il a fait jouer ses contacts, mais il aura quand même fallu trois longues années «avant que ça marche. C'est un milieu assez fermé. N'entre pas là qui veut», explique-t-il en entrevue.

Sa volonté et son professionnalisme lui ont permis de persévérer et les Productions Vincent Beaulieu représentent maintenant plusieurs dizaines d'artistes, d'humoristes et de conférenciers. Il vient d'ailleurs d'ouvrir un bureau à Toronto.

Le nombre de boîtes de production se multiplie en raison de l'effervescence du marché des entreprises et la compétition est féroce - les artistes signent parfois des contrats d'exclusivité avec ceux qui les représentent.

Outre le cachet garanti, les raisons de se prêter au jeu sont aussi nombreuses que les artistes qui se produisent. Corneliu y voit une occasion de tester du nouveau matériel, alors que Sylvain Larocque aime bien découvrir de nouvelles destinations - comme il offre un spectacle bilingue, il s'est produit un peu partout au Canada, et même aux États-Unis et au Mexique!

Les artistes doivent néanmoins composer avec certaines contraintes, comme la fourchette d'âge. Pour une boîte multimédia où les employés sont relativement homogènes en âge et en goût, il y a une multitude d'entreprises avec une grande diversité. «J'essaie d'offrir du matériel qui va plaire à tout le monde», souligne Sylvain Larocque. Les artistes de cirque sont une option populaire parce que, justement, ils sont populaires auprès de tous, sans la barrière de la langue, en plus.

Le rôle de l'agent d'artistes est justement de jauger ce qui conviendra le mieux pour l'événement planifié, quel qu'il soit. Vincent Beaulieu va jusqu'à décourager des clients de leur choix quand il estime que le résultat ne sera pas à la hauteur des attentes (et du budget!). «On fait appel à notre esprit créatif.» Ainsi, un couple qui veut un mariage flamboyant peut s'attendre à payer entre 2000$ et 5000$ pour un groupe d'interprétation ou un humoriste.

Autre avantage, les agences s'adaptent au devis technique, qui va d'affecter l'artiste jusqu'au projet clés en main, scène, équipements et techniciens fournis. Pendant l'été, M. Beaulieu peut ainsi avoir une dizaine de collaborateurs sur la route qui veillent au bon déroulement des spectacles. Il peut produire plus de 500 événements par année.

Tout n'est pas rose pour autant. Comme les gens n'ont pas acheté de billet, leur degré d'attention varie beaucoup. Il y a aussi le facteur alcool. Les gens sont, parfois, tellement sur le party qu'ils se foutent pas mal de la prestation. Chaque artiste a au moins une histoire d'horreur dans son sac.

«Ça peut parfois être bizarre, confie Sylvain Larocque. Tout le monde se connaît alors que toi, tu ne les connais pas. Une fois, en bon humoriste, j'ai interpellé un type qui se levait pour partir. Son père venait de mourir et il l'a appris au téléphone. Gros malaise. Et il me restait une demi-heure à faire.»

De tels événements font plutôt figure d'exception, disent les artistes. De toute façon, ils ne peuvent lever le nez sur un revenu aussi appréciable. Sauf exception, disques et tournées se vendent moins bien. Et comme le veut la maxime, the show must go on...