En dépit des mises en garde de l'Association des médecins vétérinaires du Québec, qui juge ses méthodes «dangereuses et dépassées», le Centre Bell était plein à craquer hier soir pour la conférence de Cesar Millan, «l'homme qui parle aux chiens.»

Ils étaient des milliers à avoir acheté leur billet - qui pouvait aller jusqu'à 100$ - pour voir en chair et en os leur éducateur canin préféré, qui s'est présenté sur scène sous un tonnerre de cris et d'applaudissements, vêtu d'un chandail du Canadien à son nom.

Une vraie star. Qui lance, comme toutes les stars, «Bonjour Montréal!». Et qui ajoute même: «Je suis célibataire», au grand émoi de ses admiratrices qui feraient volontiers la belle pour lui.

De toute évidence, la salle n'était remplie que de fans, adeptes de sa philosophie. Étaient-ils là pour apprendre? Rien n'est moins sûr. Car quiconque a lu les livres de Cesar Millan et regarde son émission de télé, The Dog Whisperer, n'a rien appris de nouveau lors de ce spectacle. Cesar répète inlassablement les mêmes règles: vous devez dégager calme et autorité face à votre chien, lui donner un dosage équilibré d'exercices, de discipline et d'affection, cesser d'intellectualiser votre relation pour vous concentrer sur les besoins réels du chien et savoir décoder son langage. En somme, il vous apprend à agir comme un chef de meute - et vous pouviez acheter le t-shirt Pack Leader en sortant pour vous en convaincre.

Mais un néophyte de la technique Cesar pouvait en apprendre beaucoup pendant ce spectacle, dans lequel l'homme démontre l'étendue de son charisme. Il est drôle, presque cabotin, il présente les situations en jouant lui-même le chien ou bien le maître maladroit qui commet les pires erreurs. Une caméra le filme directement sur scène, et nous pouvons voir sur grand écran comment le chien nous perçoit quand nous l'approchons de la mauvaise façon - on rit, car tout le monde a commis l'une ou l'autre de ces bêtises. Cesar se ridiculise lui-même pour montrer à quel point on peut être gaga face à  un chien qui nous voit tel que nous sommes et non comme on pense qu'il nous voit. En cela, la mise en scène du spectacle est intelligente. Quelques invités triés sur le volet ont présenté leurs chiens à Cesar - aucun cas spectaculaire, seulement quelques petites obsessions courantes - et ainsi, les spectateurs ont pu voir « l'énergie » de l'éducateur « en direct », prouvant que ce n'est pas juste de la frime qu'on voit à la télé. Voilà pourquoi, en réalité, tant de fans au fait de sa technique étaient à Cesar Millan Live hier soir: pour justement voir live celui qu'ils évoquent à tout bout de champ dans la maison lorsqu'il est question de dresser le chien. «Chéri, Cesar dit que...»

La réussite de Cesar Millan est impressionnante, et les gens adorent les self-made man. Le public défend Cesar, qui n'a aucune autre formation autre que celle sur le terrain, contre tous ses détracteurs bardés de diplômes - cela fait partie de son magnétisme. D'ailleurs, il s'appuie beaucoup sur son parcours personnel de jeune mexicain pauvre éduqué sur la ferme de ses parents, qui a traversé la frontière pour conquérir l'Amérique. Ce que Cesar sait reconnaître, et veut guérir, c'est la névrose des gens de sociétés riches qu'ils transmettent tout naturellement à leurs chiens. L'argument le plus solide, que personne ne peut lui contester, est précisément cette observation de l'immigrant qui a grandi entouré de chiens qui ne connaissent ni la laisse ni la cage: « Les chiens mexicains sont maigres et équilibrés; les chiens américains sont gros et psychologiquement instables. » De toute façon, dans tout le règne naturel, note-t-il, il n'y a que les humains qui acceptent de suivre des leaders instables. «Ils votent même pour eux. Et les réélisent, parfois!»

Cesar, l'homme qui parle aux chiens? C'est surtout un formidable communicateur qui sait parler aux humains.