Le Théâtre Jean-Duceppe démarre sa nouvelle saison avec un texte de Catherine-Anne Toupin, créé à La Licorne il y a deux ans, dans une mise en scène de son complice de longue date, Frédéric Blanchette. Une reprise donc, mais avec une séduisante affiche : outre l'auteure-comédienne, on y retrouvera François Tassé, Monique Miller, Éric Bernier et David Savard.

Déjà cinq ans que Catherine-Anne Toupin a écrit cette pièce à suspense, qui a reçu le prix Françoise-Berd avant d'être créée à La Licorne en janvier 2008. Depuis, cette deuxième pièce de l'auteure-comédienne (après L'envie) a été traduite en anglais (Right here, right now) et en italien.

Mais malgré tout l'intérêt que l'on porte à ce texte depuis sa création, celle qui incarne la belle et rusée Mélissa dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin parvient à garder quasi intact le mystère entourant sa pièce, ne laissant presque rien filtrer de l'intrigue et du dénouement de cette étrange histoire.

En effet, comment parler d'un suspense sans brûler les punchs? Comment résumer les thèmes abordés sans en révéler les éléments-clés? Surtout lorsque cette histoire parle du besoin de changer de vie? Rien que ça... Catherine-Anne Toupin semble en avoir le secret...

Ce que l'on sait, c'est que les parents de Catherine-Anne ont vécu le même drame que celui vécu par les deux couples dont il est question dans À présent et qui se lient ensemble tels des fils tressés. Drame, vous l'avez deviné, dont on ne peut vous parler puisqu'il est au coeur de l'intrigue...

«Lorsque j'ai écrit ce texte, j'ai été très surprise du résultat. Je me suis vraiment laissée aller, raconte Catherine-Anne Toupin. J'ai sorti quelque chose de moi, de mes souvenirs, qui m'a étonnée, déstabilisée. Avec le recul, je suis heureuse de ce texte, j'en suis fière, je pense qu'on a quelque chose de trippant à défendre.»

Rencontre

Revenons à l'histoire. Un couple dans la trentaine, interprété par elle et David Savard, fait la rencontre d'un couple plus âgé (François Tassé et Monique Miller), qui habite sur le même palier avec son fils (Éric Bernier), lui aussi trentenaire.

Cette deuxième famille, «très malsaine», et où personne n'est particulièrement heureux, s'immiscera dans la vie du jeune couple... Mais pourquoi? Que veulent-ils? Et pourquoi les autres les laissent entrer dans leur vie? On le découvre peu à peu, mais pas complètement.

«Le spectacle est rempli d'indices, nous amène des réponses, mais ne dit pas tout. Il faut que le spectateur participe à cette histoire et vienne y mettre son grain de sel», précise l'auteure. C'est un suspense. J'aime les histoires qui me tiennent en haleine. J'aime découvrir des choses au fur et à mesure, c'est comme ça que j'aime écrire.»

Mais ne vous méprenez pas. Il ne s'agit pas d'une partie de Clue où l'on apprend à la fin que c'est le colonel qui a tué Mme Peacock dans le lounge avec un couteau. C'est plus mystérieux, nous prévient l'auteure, qui n'a pas hésité à raconter cette histoire avec humour.

«Ça décolle de la réalité pour devenir très intemporel. C'est quelque chose qu'on ne voit pas beaucoup au théâtre, nous dit-elle. C'est un suspense qui part d'un certain réalisme, mais qui s'en va ailleurs, dans des zones inconnues de la psyché humaine.»

Alors, qu'est-ce qui anime ces cinq personnages abscons à la recherche d'un monde meilleur?

«Tous les personnages ont des manques, des pulsions intérieures, des vides à combler qui sont très forts, indique l'auteure. Au contact des deux familles, il y a quelque chose qui ressort. Comme si inconsciemment, ils arrivaient à combler leurs manques. C'est d'ailleurs ce qui va arriver. La vie de ces cinq personnages bascule vers ce que tout le monde souhaite secrètement.»

L'impact sera-t-il le même dans la grande salle de chez Duceppe? C'est le défi du metteur en scène Frédéric Blanchette, complice de Catherine-Anne Toupin et de François Létourneau au Théâtre Ni plus ni moins. «La mise en scène est la même, mais il y avait une intimité à La Licorne, qu'on essaie de recréer chez Duceppe; il faut se projeter un peu plus. Dans le corps et dans la voix.»

Tout le reste est à peu près identique à la version originale. «On s'est questionné à savoir: est-ce qu'on donne plus de clés, est-ce qu'on clarifie des choses? nous confie Catherine-Anne, mais finalement, on n'a fait que de petits changements mineurs.»

Ce qui veut dire que le mystère reste entier.

À présent, au Théâtre Jean-Duceppe du 8 septembre au 16 octobre.