Mettez de côté les capteurs de rêve en plastique et les mocassins made in China vendus dans les magasins du Vieux-Montréal. Tantôt historique, tantôt artistique, tantôt... érotique, le Montréal autochtone a beaucoup plus à offrir. «Il est en pleine ascension», dit, un sourire dans l'oeil, Mélissa Mollen Dupuis.

Le Montréal autochtone érotique, c'est elle qui l'incarne. Conteuse, la jeune femme de 32 ans, de mère innue et de père québécois «pure laine», a monté avec Émilie Monnet, artiste de culture algonquienne, un spectacle de contes pour adultes qui a fait rougir autant au festival du monde arabe qu'au festival Montréal en lumière, où elles l'ont présenté.

«Il y a une grande tradition d'histoires érotiques dans les cultures amérindiennes. Ça a été un peu enseveli par la religion catholique, mais il ne faut pas penser que ce sont des histoires sensuelles à la française. C'est souvent comique et un peu salace», explique Mélissa Mollen Dupuis.

Si vous voulez entendre parler de champignons aphrodisiaques ou d'une histoire d'amour éperdue entre une femme et un ours, vous devrez attendre la prochaine performance des deux conteuses, dont la date n'est pas encore déterminée, mais si vous voulez entendre Mélissa Mollen Dupuis parler de sa culture, vous pourrez lui rendre visite au Jardin des Premières-Nations du Jardin botanique de Montréal, où elle est animatrice.

Deux soeurs, deux vocations

C'est d'ailleurs tout près de l'étang couvert de nénuphars de ce jardin, créé il y a dix ans - dans la foulée du tricentenaire de la Grande Paix de Montréal - que nous l'avons rencontrée en compagnie de sa soeur Bérénice.

Si Mélissa s'intéresse aux contes, au spoken word et au kitsch autochtones, Bérénice, 30 ans, elle, est fascinée par le passé amérindien de Montréal. Ce samedi, à 14 h, pour le compte du Musée d'histoire de Montréal, elle offrira un tour guidé des vestiges du Montréal autochtone. «Visuellement, il ne reste pas grand-chose à voir. Il n'y a pas d'édifice ou de palissade, mais je peux montrer les endroits où les choses se sont passées, les raconter», soutient-elle.

Elle aime bien faire découvrir la ruelle Saint-Éloi, dans le Vieux-Montréal, où des objets, vieux de 4000 ans, ont été retrouvés lors de fouilles archéologiques. Ou encore la ruelle Chagouamigon, premier lieu d'échange commercial de la ville. Il ne reste de ce lieu historique que le nom.

Ayant étudié l'histoire à l'université, Bérénice Mollen-Dupuis trouve décevant que le passé autochtone soit si peu mis en valeur à Montréal. «Il faudrait faire des fouilles au pied du Mont-Royal, là où se trouvait le village d'Hochelaga d'antan, propose celle qui, lorsqu'elle n'est pas guide historique, travaille pour l'organisation Femmes autochtones du Québec. Malheureusement, ça ne semble pas intéresser beaucoup de gens. Pas aussi payant que de trouver la première maison de Champlain.»

Nomades, les jeunes autochtones

Dans le discours de Bérénice et Mélissa Mollen-Dupuis, les doléances prennent cependant peu de place. Pendant les deux heures qu'a duré l'entrevue, les deux jeunes femmes, qui ont été élevées à Mingan et ont choisi de s'installer à Montréal pour faire leurs études universitaires, ont surtout parlé de leurs coups de coeur dans le Montréal autochtone qui, loin de tenir sur une carte, est surtout incarné par des individus.

«Il ne se trouve pas entre quatre murs, il est nomade, le Montréal autochtone et il est spontané», explique Mélissa Mollen-Dupuis. Il est aussi multiculturel puisque parmi les 18 000 autochtones qui habitent la métropole, on retrouve des représentants de 11 nations amérindiennes ainsi que des Inuits et des Métis.

Ainsi, les deux soeurs s'intéressent autant au travail de Tammy Beauvais, une designer de mode mohawk, qu'à celui de Kim Picard, une Innue dont les vêtements étaient présentés hier dans le cadre d'un défilé du Festival mode et design de Montréal.

Elles adorent les spectacles d'Odaya, un groupe féminin de chanteuses et de percussionnistes, aiment la musique d'Élisapie Isaac et admirent le rappeur algonquin Samian qui a réussi, à l'âge adulte, à apprendre sa langue natale. Elles se délectent des sushis autochtones de la chef Lysanne Obomsawin et des photos de Simon Benedict, tous deux abénaquis.

Et elles pensent que ce n'est que le début d'une explosion de créativité... et de visibilité. «Quand nous sommes arrivées à Montréal, on se sentait comme des canots sur un grand lac et on cherchait d'autres canots», se rappelle Mélissa Mollen-Dupuis. Marqués par la crise d'Oka qui avait nourrir le racisme à leur endroit, les autochtones de Montréal se faisaient alors discrets. Le tricentenaire de la Grande paix et les célébrations qui l'ont entouré ont, selon les deux frangines, changé la donne. Depuis, la présence autochtone prend de l'expansion. «D'ici dix ans, il y aura encore moins de gêne et il y aura peut-être un centre culturel autochtone», croit Bérénice.

Un week-end d'été indien

Vous voulez vous plonger dans le Montréal autochtone? Ce week-end, à la veille de la Journée internationale des peuples autochtones, les occasions de le faire seront multiples, notamment sur la place des Festivals où le festival Présence autochtone a planté son tipi. Quelques suggestions:

> Cinéma, chant de gorge et étoiles

Ce soir et demain à 21 h, à la place des Festivals, Présence autochtone projettera en plein air le film Nanook of the North du grand explorateur et réalisateur Robert Flaherty. Premier documentaire long métrage de l'histoire, ce classique de 1922 sera accompagné par une trame sonore conçue par Gabriel Thibaudeau. L'octuor qui interprétera sa composition mettra notamment en vedette des chanteurs de gorge inuits.

> Pas autochtones

Demain, de 15 h à 20 h, des troupes de danse traditionnelle autochtones de Bolivie, du Canada et du Mexique se succéderont sur la scène de Présence autochtone installée sous un immense tipi. Dimanche, de 10 h à 15 h, des artisans autochtones feront la démonstration de leur savoir-faire, dont la sculpture, la vannerie, le perlage et la taille de silex.

> Jardin animé

Le Jardin des Premières-Nations du Jardin botanique présentera des activités de 9 h à 20 h lundi. Les films conçus dans le cadre du projet Wapikoni Mobile seront présentés au public. Le groupe Odaya donnera aussi plusieurs représentations.