À compter de vendredi, les amateurs de marionnettes, d'humoristes, d'irrévérence et de questions politiques et sociales (genre le camp de Guantánamo) seront servis. Le site www.ledetour.ca de Télétoon diffuse l'émission-pilote de marionnettes Les Sansfil, réalisée par Michel Courtemanche avec les voix des Denis Drolet, Patrick Groulx, etc. Au fil des mois, La Presse a assisté au tournage de cette étonnante émission en «figurin-o-rama», où les marionnettes n'ont pas la langue de bois...

Dans l'émission-pilote des Sansfil, on découvre la famille du même nom: Réjean, le papa illettré, Dorice, la maman toujours en crise, Sheila, leur adolescente trisomique, et Sébastien, leur adolescent nerd!

Cette famille banlieusarde dysfonctionnelle passe par l'agence Qaeda pour s'acheter un forfait vacances au «Liiebhan» (prononcer à l'anglaise), ce qui permettra aux enfants d'aller dans un camp de jour (qui est en réalité un camp d'entraînement du Hezbollah), pendant que leur maison est prêtée à un certain Oussama ben Laden. Le tout vaudra à un ami de la famille un petit séjour à Guantánamo. On est loin de Bobino et Bobinette!

Bienvenue dans l'univers déjanté des Sansfil, né dans l'esprit de Donald Bouthillette, Daniel Chiasson et Stéphane Denis en 2007.

«L'idée était de faire une émission qui reproduirait nos jeux d'enfants, quand on se créait des histoires avec des G.I. Joe, des Barbie, des Bratz...» explique le coscénariste et dialoguiste Daniel Chiasson.

C'est cette idée de départ qui explique l'esthétique de l'émission: on voit constamment les mains des manipulateurs de marionnettes! On les voyait d'ailleurs dès le tout premier pilote de l'émission, tourné en une semaine en 2007, avec des poupées achetées au Dollarama, alors que, déjà, les Denis Drolet, Patrick Groulx et compagnie prêtaient leurs voix aux personnages.

C'est d'abord à l'intention d'une chaîne télé grand public que ce pilote avait été réalisé. Mais disons que c'est vraiment très irrévérencieux, Les Sansfil, et c'est finalement Télétoon qui s'est intéressé au projet... en demandant aux concepteurs d'être encore plus décapants.

C'est exactement le genre d'émission susceptible de plaire aux jeunes gens de 15 à 25 ans (et plus...) auxquels Télétoon s'adresse par le truchement de son segment de programmation baptisé «Le détour» (tous les soirs à compter de 21 h).

Entre le premier pilote de 2007 et celui tourné en 2008, que le public pourra voir à compter de vendredi (de même que dans les bandes-annonces sur YouTube), il y a deux ou trois galaxies de différences. Si le ton est toujours aussi audacieux, les marionnettes sont extrêmement bien faites (adios, les figurines cheapo, chaque marionnette des Sansfil coûte 2000 $, sans costume!)

Les décors sont raffinés... et les gags visuels sont beaucoup plus nombreux. La scénographie - tout à l'échelle 1:6 - est signée David Gaucher, bien connu pour ses scénographies, costumes, mises en scène, direction artistique au cinéma (Spiderwick Chronicles, The Mummy...) et sur scène (Martin Matte, Chick'n Swell, etc.).

Avec une équipe de cinq maquettistes, deux techniciens, quatre fabricants de poupées, deux accessoiristes, David Gaucher a conçu la maison des Sansfil: un très joli cottage bucolique situé... en plein coeur de l'échangeur Turcot! La banlieue, les ponts, les autoroutes, des tas de petites voitures... Oui, le gag visuel est réussi. Idem pour l'utilisation d'objets usuels détournés de leur usage: dans l'avion qui mène au «Liiebhan», les bancs sont en fait des étuis à lunettes.

Michel Courtemanche s'était au départ greffé au projet à titre de «brainstormeur», mais a accepté de devenir le réalisateur du deuxième pilote, convaincu que le tournage se ferait facilement. Des marionnettes, ça pique tout de même moins de crises de vedette que des humains, non?

Oui, mais c'est par contre beaucoup moins souple, littéralement, qu'un acteur. Ça rentre parfois dans un décor parce que le manipulateur ne peut pas tout voir (il est sous la table). Résultat, il faut tourner environ une heure pour réaliser cinq secondes de l'émission. «Disons que c'est beaucoup plus difficile à tourner et à diriger qu'un vrai film», s'exclame Courtemanche après la énième reprise d'une courte scène.

C'est pour cela que tout le monde met la main à la pâte. Y compris le producteur Vincent Gagné, d'Encore Télévision: «Si on regarde l'évolution du projet depuis le tout premier pilote en 2007, disons qu'on a commencé avec le mal bien fait et qu'on fait désormais le bien mal fait!» Si le pilote plaît, l'objectif est de tourner 10 épisodes des Sansfil.

C'est une première ici, ce genre de tournage très composite qui fait appel à toutes sortes de techniques de manipulation et d'animation. On utilise par exemple le «blue screen» (pour y projeter des décors), des incrustations, mais aussi des bons vieux trucs comme une photo agrandie sur un panneau de 4X8, planté à l'arrière-plan.

«On apprend à laisser, parfois, l'image faire le gag à la place du texte. Au début, le scénario comptait 28 minutes de texte; on est rendu à 22. Quand on est humoriste, on aime ça, 28 minutes. Mais un réalisateur, ça préfère 22!» dit en riant Courtemanche.

«Nous sommes des pionniers, finalement, conclut le coscénariste et dialoguiste Donald Bouthillette, des Daniel Boone de l'animation!»

 

Aucun fil, beaucoup de chiffres

Le pilote des Sansfil, c'est :

- 61 scènes

- 282 répliques

- 22 minutes

- 34 décors

- Des centaines d'accessoires

- Cinq personnages principaux et des dizaines de «figurants», moulés, plus leurs vêtements.

- Un budget d'environ 250 000 $... et beaucoup de temps de qualité!