Le Théâtre de Quat'Sous peut enfin démarrer sa saison dans son édifice flambant neuf de l'avenue des Pins. Dès mardi, l'équipe d'Éric Jean inaugure sa 54e saison avec Mort de peine, un texte d'Yvan Bienvenue mis en scène par le réalisateur Louis Bélanger, dont c'est la première incursion au théâtre, et interprété seul par Louis Champagne.

«La fin de 11 ans d'anonymat». C'était le titre de notre collègue Nathalie Petrowski qui faisait, en 2005, le portrait de Louis Champagne, imposant comédien révélé au grand public grâce à son rôle de Louis dans la série Minuit le soir, mais bien connu des aficionados du théâtre et de l'impro, qui l'ont notamment vu évoluer avec son Grand Théâtre Émotif et avec le collectif Momentum.

 

C'est que cet émule de Robert Gravel - son professeur d'impro et son premier employeur - n'a pas chômé depuis sa sortie de l'École nationale, en 1994. Comédien, auteur, metteur en scène, il a joué et écrit, entre autres, L'homme des tavernes, Les gymnastes de l'émotion, Le gros homme et la mère, et même réalisé un premier film (Les cavaliers de la canette), mais bon, son succès au petit écran lui a donné un coup de pouce. Il ne s'en plaint pas.

Plusieurs rôles à la télé ont suivi. Au nom de la loi, Les Lavigueur, la vraie histoire, Roxy, etc. Le voilà qui remonte sur les planches pour interpréter un long monologue écrit par le créateur des contes urbains, Yvan Bienvenue. Cette fois, l'auteur du mémorable Règlement de contes - et de plus en plus éditeur (Dramaturges) - explore le thème de la mort. Celle que vivent les proches des disparus.

«Mort de peine parle beaucoup des victimes indirectes de la mort. Des gens qui ont vécu des morts violentes, inattendues, ou des disparitions, précise Louis Champagne, rencontré au Quat'Sous. Je pense à la famille de la petite Cédrika, à celle du jeune David Fortin. Ce sont des histoires qui me touchent beaucoup. Mon personnage est confronté lui aussi à la mort de ses proches. Il essaie de comprendre tout ça et de retrouver un peu de paix.»

Résumons l'histoire. Un incident malheureux survient dès le début de la pièce: un chien meurt après avoir été heurté par une voiture. Ce «fait divers», en apparence banal, plonge Yan dans le souvenir de toutes les morts qu'il a vécues jusque-là. C'est le point de départ d'un monologue d'une heure et demie qui nous transporte dans la tête d'un homme en quête d'un peu de vérité.

«C'est une pièce très intime d'Yvan Bienvenue», poursuit Louis Champagne, qui ne tarit pas d'éloges pour décrire l'auteur-éditeur. «C'est une plume que j'adore, que je connais - j'ai joué trois fois dans ses Contes urbains. Je trouve que c'est un grand conteur et un grand poète.»

Les bleus du blues

Yvan Bienvenue et Louis Champagne font équipe avec Louis Bélanger, qui se frotte pour la première fois à la mise en scène. Le réalisateur de Post Mortem et de Gaz Bar Blues, dont le nouveau film The Timekeeper (avec Roy Dupuis) a pris l'affiche hier, a choisi d'enrober le texte de musique. Plus précisément de blues, une passion que partagent les trois hommes.

«Il ne s'est pas embarqué dans un Feydeau, explique Louis Champagne. Il raconte l'histoire d'un gars en questionnement. Il m'a donc beaucoup dirigé dans les intentions du personnage. Il a eu envie de faire des projections, mais il a finalement laissé tomber. Ce qui me plaît, c'est qu'il n'y a pas de héros dans la pièce. Il n'y a pas de solution. C'est ce qui rend le personnage émouvant, je crois.»

Sur scène, le bluesman Michael Jerome Browne accompagne à la guitare Louis Champagne dans son voyage intérieur. Dans Mort de peine, ils habitent tous deux le même immeuble, Brown au deuxième étage, alors que Champagne vit dans un demi-sous-sol. «Ça allège le monologue, pour moi et pour le public», confie Louis Champagne, qui a dû mémoriser un texte de 50 pages.

«Ça fait un an qu'on se prépare, note-t-il. Pendant plusieurs mois, je me disais que je n'étais pas capable. C'est la première fois que je fais un aussi long monologue. J'y suis arrivé, mais je ne suis pas sûr de refaire ça... peut-être quand je serai ben vieux, dit-il en riant. La préparation est immense. Mais je suis content d'avoir réussi.»

Mort de peine, au Théâtre de Quat'Sous du 24 août au 6 septembre, et du 15 au 26 septembre.