À l'école secondaire, tout le monde, sans exception, regardait RBO. Au lendemain de la diffusion de l'émission, la journée se passait à répéter les meilleures blagues de la veille, à écouter en boucle leur première cassette, à chanter leurs chansons.

J'avais 14 ans, des lunettes roses, une permanente, et je m'habillais en jaune fluo. Un jour, ma tante m'a obtenu un rôle de figurante dans l'un de leurs sketchs, qui était tourné dans un entrepôt. Ça ridiculisait les Jeux olympiques.

J'ai passé des heures à les regarder travailler, tétanisée comme seule une groupie peut l'être, incapable de leur adresser la parole. C'est André Ducharme qui m'a lancé: «Tu t'amuses?» J'ai bredouillé quelque chose dont je ne me souviens plus, rouge comme une tomate.

Inutile de dire que lorsque ce sketch a été présenté à la télévision, j'ai été la star du jour à l'école le lendemain. Je suis certaine que c'est ce qui m'a valu de remporter les élections scolaires cette année-là, malgré les lunettes et la permanente. Merci RBO.

Au-delà de cette anecdote que je conserve dans mes souvenirs, je dois aussi remercier RBO de m'avoir initiée à l'esprit critique. Leur regard aigu et sans pitié sur l'actualité et la niaiserie ont forcément déclenché quelque chose dans ma façon de regarder la télévision. J'ai toujours dit que RBO a pratiqué ce qu'on pourrait appeler un «terrorisme culturel», consistant à détourner le sens de ce qu'on veut nous rentrer de force dans la tête, des années avant le magazine Adbusters.

Plutôt que d'avoir aujourd'hui l'esprit encombré de pubs médiocres, d'émissions douteuses et de téléromans ronflants, je constate qu'il n'a retenu que leurs parodies. Un lavage de cerveau salutaire, purgatif, qui me manque beaucoup. Je me lève souvent le matin avec le ver d'oreille «Contribution au distributeur, c'est d'la...» Je n'ai qu'un seul reproche à leur faire: comment guérir mon chum qui n'arrête pas de me parler avec la voix de Madame Brossard, de la rue Brossard, à Brossard?