Juste pour rire prépare En route vers mon premier one-man show, une émission pour aider la relève. Pendant ce temps, les galas du 27e Festival présentent la plupart du temps les mêmes noms. Manque-t-il de nouveaux visages parmi nos stand-up?

Éric Belley est fatigué. Le vice-président télévision francophone et programmation du Festival Juste pour rire s'occupe des galas depuis plus de sept ans. Sept ans à inviter les mêmes noms. «On appelle presque toujours les mêmes», déplore-t-il.

 

Un coup d'oeil sur les invités et les animateurs cette année lui donne raison. À qui la faute? Il assure que la relève ne manque pas de talent - on l'imagine mal dire le contraire.

Pourquoi les galas ne font-ils pas plus de place aux jeunes? «Un gala, c'est une recette. Il faut aussi des vedettes et des intermédiaires. On est pris avec cette contrainte», avoue-t-il.

La solution? De nouvelles plateformes, dit-il. D'où son projet d'émission, En route vers mon premier one-man show, qui a été déposé à TVA mais n'a pas encore été accepté. Ce serait la suite logique d'En route vers mon premier gala, déjà présenté en boucle sur Vox.

L'émission ne transformerait pas des jeunes inexpérimentés en vedettes-minute. «On choisirait une douzaine de jeunes professionnels. Pas des débutants, précise Éric Belley. On cherche une personne qui a déjà plus de 30 minutes de matériel écrit. Un Philippe Bond par exemple, quelqu'un qui pourrait bientôt lancer un one-man show, mais qui aurait de la difficulté à vendre ses billets.» La machine Juste pour rire s'occuperait de la tournée du gagnant.

Le groupe a deux autres projets. Une autre émission, où des vedettes de l'humour présenteraient leurs jeunes préférés. «Ils pourraient être montrés par thème - par exemple, le plus politisé ou le plus bizarroïde selon Martin Matte.» Ce projet n'a pas encore été déposé.

Juste pour rire veut aussi lancer un festival sur la relève, en juin prochain. Il se déroulerait au Dix30 de Brossard. «On pourrait y intégrer la finale d'En route vers mon premier one-man show et environ quatre jours de programmation», prévoit-il.

Un marché saturé?

Montréal a déjà son Festival Juste pour rire et son nouveau Zoofest, axé sur les découvertes. Québec a son Grand rire. Et plusieurs bars présentent des soirées pour la relève. Sans compter plusieurs autres mini-festivals du genre.

Le marché est-il saturé? Pour Éric Belley, c'était peut être le cas dans les années 90, où «l'humour fonctionnait tellement qu'on sortait presque n'importe quoi». «Après un bon numéro dans un gala, tu pouvais presque sortir un premier one-man show l'année suivante, poursuit-il. Mais les choses ont beaucoup changé. Avec tous les humoristes en circulation, les nouveaux se taillent difficilement une place. Regarde Alexandre Barrette. Il a été signé il y a sept ans et il a plein de bons numéros. Mais il n'est pas encore prêt.»

Belley insiste toutefois pour dire qu'il reste de la place sur le marché. Une opinion partagée par le pionnier du burlesque Gilles Latulippe, qui admire et envie ses successeurs. «Aujourd'hui, ils ont une tribune, la télé, le festival. Dans les années 50, c'était dur en maudit. Et il n'y avait pas de rôles pour les jeunes. Il fallait faire la tournée des cabarets et jouer les cocus!»

Benjamin Phaneuf, producteur et imprésario de Louis-José Houde et de Cathy Gauthier, parle quand même d'une certaine congestion. «Peu de nouvelles salles ont ouvert leurs portes ces dernières années. En même temps, il n'y a jamais eu autant de stand-up talentueux. C'est comme si on avait toujours le même réseau routier, mais que le nombre de voitures augmentait. Ça finit par bloquer sur les ponts.»

Louise Richer, directrice de l'École nationale de l'humour, apporte quelques nuances. «Oui, il y a congestion sur l'autoroute. Mais plusieurs routes secondaires s'ouvrent grâce à l'internet. Notre vingtaine de finissants qui graduent cette année l'utilisent beaucoup. Au lieu d'attendre que le téléphone sonne, ils y développent eux-mêmes leurs projets.»

Présentement, 78% des diplômés de l'École sont «actifs en humour», dit-elle, mais ce travail s'effectue surtout loin des projecteurs. «Nos diplômés en interprétation (ils écrivent aussi leurs textes) finissent souvent par travailler eux aussi comme auteurs pour d'autres humoristes ou la télé.»

À voir aussi: les deux Soirées de la relève le 14 juillet au Théâtre Saint-Denis. À 18h30 (animation par les Denis Drolet) et à 21h30 (animation par Stéphane Fallu).