Presque deux ans après un concert qu'on avait jugé triomphal à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, le vieux routier John Fogerty, l'âme de Creedence Clearwater Revival, remettait ça au Centre Bell. Devant plus de 4000 spectateurs hier soir, le bonhomme s'est livré à un marathon de rock sudiste, blues rock et country de plus de deux heures d'affilée, parsemé de ces classiques américains qu'il a signés de sa propre plume.

Que dire d'autre que: bravo? Fogerty, qui aura 64 ans la semaine prochaine, est d'une générosité qui n'a d'égale que sa fougue bien conservée. Plus de deux heures de rock balancées par sept musiciens aguerris, 27 chansons dont une majorité d'immortelles, des milliers de fans aux anges. Et le rockeur lui-même mordant à pleines dents dans ses chansons à lui, enfin.

La fougue presque juvénile de Fogerty doit fuser de là: le plaisir de se réapproprier ce répertoire qu'il a créé à l'époque de Creedence Clearwater Revival et qu'il s'était refusé de jouer pendant toutes ces années qu'ont duré la brouille - que dis-je, la guerre - entretenue à l'endroit de son ancien label, Fontana.

Tout ça est derrière lui aujourd'hui, au grand plaisir des fans, qui l'ont vu rejoindre son orchestre peu après 20h, sa belle Les Paul dorée au cou. Le festival de succès s'est vite mis en branle: après Rockin' All Over the World (de son deuxième album solo, 1975), tombe l'immense Bad Moon Rising de Green River, l'un des premiers grands succès de Creedence Clearwater Revival.

Le son était limpide, même s'il était juste un peu trop fort. À cause des guitares: trois guitaristes électriques constamment sur scène en même temps, un quatrième musicien qui passait à la mandoline ou au violon selon la chanson. Un claviériste/organiste (accessoirement guitariste), et une section rythmique de l'enfer. Un son de basse ample et joufflu, un jeu de batterie qui ne faisait pas de quartiers.

Au centre de tout ça, John Fogerty s'amusant ferme. «How y'all doing in here?» s'enquérait-il dans cet accent typique du Sud des États-Unis. «God bless you all!» Et vlan, un autre brûlot «swamp rock» pour réveiller ses vieux fans!

L'orchestre et son chef ne donnaient pas dans la nuance; hormis la ballade Joy of My Life, et le moment tendre où, nous présentant Have You Ever Seen the Rain qui lui rappelait sa fille de 7 ans (et son dessin de Scooby-Doo qu'il nous a montré!), c'était du bon rock, du blues rock, du country qui swingue, dans le tapis.

Lodi, Susie Q, Born on the Bayou, I Heard it Through the Grapevine, Down on the Corner, Centerfield, Fortunate Son, jusqu'à Proud Mary au rappel que nous avons dû rater, heure de tombée oblige, le public en a eu pour sa peine, traversant 40 ans de l'histoire du rock américain - le croyez-vous, ce type si enflammé a traîné sa guitare à Woodstock pour la ramener sur la scène du Centre Bell, gardant intacte sa passion.

Alors, bravo.