Elle était fébrile, Mara, quand elle a amorcé son spectacle, mercredi soir, au National. «C'est une fébrilité de qualité», a-t-elle toutefois précisé. Fort juste. Excitée, émue, confiante et rayonnante, elle était tout cela à la fois. Jamais cette frêle rockeuse n'a paru plus en possession de ses moyens qu'au moment de cette première montréalaise.

Elle avait toutes les raisons d'avoir confiance. Tu m'intimides, son plus récent album, est une réussite sur toute la ligne. Pour le transposer sur scène, elle s'était entourée d'une équipe de choc: Jocelyn Tellier (guitare), Guillaume Chartrain (basse), l'indispensable Pierre Fortin (batterie) et le renversant Olivier Langevin (guitare). Des gars capables de faire du bruit, mais aussi de la plus grande délicatesse.

Tu m'intimides, le spectacle, est à l'image de l'album dont il est tiré: c'est autant un tour de chant qu'un voyage à travers les esthétiques sonores. Ni l'un ni l'autre des guitaristes n'était là pour plaquer des accords, mais plutôt pour colorer les atmosphères, parfois à coups de riffs pesants, souvent à l¹aide de notes égrenées, étirées ou subtilement modulées.

Une chanson a suffit pour avoir la certitude qu'on assisterait à un spectacle hors de l'ordinaire. Dès le morceau d'ouverture, Tu m'intimides, tout l'univers était en place: le son touffu, l'énergie, le jeu tripatif de Pierre Fortin et la présence forte de Mara. La chanteuse se tenait debout sur le mur de son érigé par son groupe, à la fois fragile et impériale.

Mara avait envie de monter un spectacle rock après l'épisode plus orchestral de son album Les nouvelles lunes. Elle s'est payée la traite, mettant l'accent sur la part électrisante de son répertoire (elle a joué peu de violon et de guitare acoustique) et ajouté du poids à plusieurs morceaux.

Ç'a été pesant, donc, mais surtout beau. D'une splendeur à donner des frissons. Plus d'une fois, d'ailleurs: pendant Le printemps des amants (quelle incroyable cohésion sonore!), Les aurores (chanson d'une bouleversante simplicité) et Sous les projectiles (le jeu de Pierre Fortin, encore). Seule tache sur ce tableau quasi parfait, Tout nue avec toi, inutilement écrasée par une guitare confuse et une interprétation qui tire vers le bas plutôt qu'aspirer vers le haut.

Ce faux pas mis à part, Mara a été d'une grande justesse. Tour à tour intense, éthérée, charnelle et toujours habitée. Son plaisir de jouer la rendait tout simplement resplendissante. Elle n'a jamais fait piètre figure, mais avec Tu m'intimides, Mara se surpasse. Et c'est un bonheur que d'écrire que, sur scène comme sur disque, elle est au sommet de son art.