Le moins qu'on puisse dire, c'est que Patrick Watson et ses collègues n'ont pas froid aux yeux. Avant de se produire lundi à Québec, ils n'ont pas pris la précaution de roder leur nouveau concert. Les représentations de Montréal, mercredi et hier, n'étaient que les deuxième et troisième d'une tournée mondiale qui, précisons-le, marquera l'imaginaire.

Pour ajouter à l'audace, les musiciens montréalais n'ont pas misé sur un mélange équilibré de leurs chansons connues et de celles qu'on découvrait littéralement au lendemain de la sortie de Wooden Arms, ce nouvel album dont on ne dit que du bien. Qui plus est, ils ont choisi La Tulipe, une salle intime de 700 places, pleine à craquer pour un concert qui commande une attention beaucoup plus élevée que ce qu'offre normalement la pop indie.

Qu'à cela ne tienne, Patrick Watson, Simon Angell, Mishka Stein et Robbie Kuster ont réussi leur pari: rendre possible sur scène la musique de cet album fabuleux, vaste fresque orchestrale sertie de folk signifiant et d'une pléthore de références musicales d'hier et d'aujourd'hui. Du front tout le tour de la tête, dites-vous?

Si les conditions d'écoute n'étaient pas idéales pour une musique comportant d'aussi fines caractéristiques et de propositions aussi aventureuses, Watson et ses musiciens ont su néanmoins produire le ravissement escompté.

Pas de flafla scénique, pas de scène inclinée, pas de sculptures robotisées pour évoquer les contes fantastiques au programme, nul gonflement. La musique et les chansons suffisent à nous aspirer dans le monde de Patrick Watson.

Environnement chaleureux

On a plutôt cherché à recréer un environnement chaleureux, genre de salon d'inspiration Art déco où défilent ces concepts hautement imaginatifs... Un grand drap blanc masquait le haut de la scène pendant la performance de cette douée Laura Barrett. On y a ensuite projeté de vieux films muets avant l'arrivée du plat principal.

Watson entonne d'abord Fireweed. Il y a effectivement le feu! On a tôt fait de pressentir que les arrangements sur scène seront plus radicaux que sur le nouvel album. Plus tranchants, clairement plus proches de l'attitude rock que commandent les planches. De toute évidence, il se passera des choses.

Toutes sortes de choses: on est surpris par le calme relatif qui suit, avec l'arrivée du quatuor à cordes pour l'interprétation de la chanson Tracy's Waters (Elizabeth Dubé, violoncelle, Ligia Paquin, alto, Ariane Lajoie et Véronica Thomas, violon), tissée avec douceur et délicatesse. Puisqu'il faut se méfier des eaux calmes, un tonnerre de percussions suit dans Beijing, gracieuseté de Robbie Kuster. It was the sound of a city, discerne-t-on...

On enchaîne avec la tendre Wooden Arms, folk impressionniste évoquant l'intimité rassurante et organique d'êtres en quête de symbiose. À la suite d'un intermède instrumental (Hommage), vient Traveling Salesman, non sans rappeler Kurt Weill, cette fois chantée au mégaphone, avec en prime l'évocation d'un trombone avec sourdine derrière un (autre) drap qui sert d'écran chinois.

Du western...

Question de nous étourdir davantage, Watson offre à son public une inédite qui comprend un épisode western, à tel point que l'intervention du batteur est émaillée de quelques tirs de pistolet (à pétard, bien entendu) et d'un solo de gazou bien senti. De nouveau, on se calme le pompon, un marimba nous mène dans cette petite cage qui abrite un oiseau trop considérable - Big Bird in a Small Cage n'est pas sans rappeler la condition dans laquelle nous nous trouvons dans cette Tulipe qui déborde de partout.

Un autre ouragan se lève, on découvre Psych, qui nous réserve la séquence la plus violente de la soirée; s'y entrechoquent les références bruitistes, industrielles, absolument free. Et vlan dans les flancs! Fin manipulateur, Patrick Watson nous revient avec Man Like You, dont la placidité apparente peut être trompeuse... I knew a man that got lost in the big dark blue... et qui s'en sort.

Après le triomphe sur l'adversité, nous voilà traînés dans les angoisses nocturnes de Where The Wild Things Are. Les cordes pincées du quatuor contrastent avec le jaillissement de notes sauvages, gracieuseté de Simon Angell. Et les sons de se transmuer en une polka insolite. Encore de l'inédit.

Bien qu'ébranlés, nous sommes prêts pour le crescendo final: huit musiciens actionnent vigoureusement cette Machinery of Heavens. Le rappel est imminent, Patrick Watson revient sur le parterre, chargé d'un étrange bouquet de mégaphones auxquels ses trois collègues sont branchés: Hearts in the Parks, une autre inconnue de l'équation, précède une version costaude de Luscious Life, coiffée de l'esquisse soliloque d'une chanson française. Un de ces quatre, on en saura le titre!

D'ici là, ce concert de Patrick Watson sera huilé au quart de tour et tout simplement géant.