On aimerait bien écrire que Jérôme Minière fait les choses en grand lorsqu'il monte sur scène. Qu'il drague sa foule comme Daniel Boucher. Qu'il brûle les planches comme Yann Perreau. Que c'est un grand six pieds qui en impose. Sauf que ce n'est pas exactement ça. C'est même tout à fait le contraire.

Jérôme Minière fait les choses à sa mesure. Il a choisi le tout petit Studio-Théâtre de la Place des Arts pour renouer avec les chansons de son album Coeurs, paru en septembre 2007. Et il ne s'est entouré que de deux musiciens (José Major et Denis Ferland) et d'un minimum de matériel: guitares classiques et acoustiques, claviers, batterie réduite et un peu de percussions. À eux trois, ils ont bricolé un petit spectacle à la fois touchant et ingénieux. Dire que Jérôme Minière est une bête de scène serait grandement exagéré. Il dégage encore une timidité certaine, mais il a appris à en jouer. Habilement, d'ailleurs. L'air dépassé, il explique dès son entrée en scène le caractère réduit de son spectacle par la faillite de la multinationale jadis dirigée par son mécène, le mystérieux Herri Kopter. La faute à de malheureux investissements dans le fond de Bernard Madoff... Mine de rien, ce petit jeu lui permet de briser la glace tout en signalant qu'on ne doit pas s'attendre à une performance au sens presque sportif du terme. De fait, son spectacle de mardi a été ponctué de maladresses, feintes et réelles. D'un je ne sais quoi de (faussement?) désorganisé. D'une simplicité et d'une décontraction qui ne nuisait pourtant pas aux chansons. Au contraire.

Dès que les trois musiciens entonnaient un morceau, toute idée d'approximation s'évanouissait. Comme par magie, ils parvenaient à installer quelque chose qui relevait du groove miniature et qui seyait parfaitement aux chansons à la fois cérébrales et sensibles de Jérôme Minière.

Ça a commencé doucement avec une habile version acoustique de If You Don't Buy You Die (tirée d'un album passablement électro, Chez Herri Kopter). Vu l'époque à laquelle on vit, on ne pouvait s'empêcher de penser que de changer le refrain pour : «If we don't buy we die», aurait été une bonne idée. Mais Jérôme Minière avait déjà sa petite idée derrière la tête, puisqu'il a conclu son spectacle sur une chanson qui rappelle les bonheurs gratuits.

Entre les deux, il a servi une bonne douzaine de chansons, dont trois inédites (parmi lesquelles la très belle Le monde est là). Des airs qu'on se doit d'écouter attentivement pour en saisir les subtilités. Pas parce que Jérôme Minière fait hermétique ou compliqué, simplement parce qu'il refuse de céder aux clichés et qu'il cherche - et trouve! - des angles toujours neufs pour parler du monde dans lequel on vit. Un grand moment de petits bonheurs, quoi.

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Le spectacle Coeurs légers de Jérôme Minière est présenté de nouveau ce soir et demain au Studio-Théâtre de la Place des Arts.