Ils sont trois. Ils sont jeunes et sympas, loquaces et limpides. Ils s'appellent Maryse Lapierre, Sylvio-Manuel Arriola et Jocelyn Pelletier. Leurs noms vous sont peut-être inconnus. Normal: ils roulent leur bosse d'acteur sur les scènes de Québec. Ces jours-ci, ils séjournent à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui pour livrer Anky ou la fuite/Opéra du désordre, de l'abrasif auteur et metteur en scène Christian Lapointe. Rencontre avec les trois comédiens, entre deux répétitions de ce «poème théâtral.»

On l'aime ou on ne l'aime pas, le théâtre de Christian Lapointe. En entrevue l'automne dernier (pour parler du très frondeur spectacle Vue d'ici, à La Chapelle), il confiait son ambition de ramener les jeunes au théâtre, de faire diamétralement autre chose que des pièces pépères pour les têtes blanches.

 

Il a ses inconditionnels. Ceux qui louent son audace de monter 4.48 psychose de Sarah Kane, par exemple. Ou qui adhèrent à ses propositions provocatrices, intenses, brûlantes. Les mêmes qui ont crié au génie en voyant CHS (Combustion humaine spontanée) en 2006 au FTA (repris la saison dernière à la salle Jean-Claude Germain).

Pour ses trois comédiens et complices, Maryse Lapierre, Sylvio-Manuel Arriola et Jocelyn Pelletier, qui étaient de la création de CHS, Anky ou la fuite/Opéra du désordre est la continuité d'un travail sur «la disparition».

«C'est une critique de la fin du monde, du réchauffement de la planète», évoque Sylvio-Manuel Arriola, tentant d'offrir un début de description de ce spectacle qui en a sidéré plus d'un au dernier festival Le Carrefour, à Québec.

Anky ou la fuite/Opéra du désordre est un spectacle sur la renaissance, où réside une poésie sonore. «On propose aux spectateurs de communier ensemble dans un moment d'authenticité», lance Maryse Lapierre. La jeune comédienne parle d'un appel à l'intégrité, dans cet événement d'une heure «où le public doit faire la moitié du chemin.»

«Cela ouvre la discussion. Les gens sortent du théâtre avec quelque chose à communiquer entre eux», ajoute Sylvio-Manuel Arriola.

Vaincre le vacarme par le chaos

Les trois comédiens - qui demeurent immobiles pendant tout le spectacle, dans une sorte de tableau vivant - font sans cesse référence à la douceur, à la lumière, à la poésie, à la quête spirituelle que transcende Anky ou la fuite/Opéra du désordre. «Le silence au théâtre, quand ça marche, c'est magique», poursuit Sylvio-Manuel Arriola.

Or, les sens des spectateurs seront sollicités pleinement, dans ce happening qui plaît aux jeunes spectateurs dans sa façon d'interpeller la flamme rebelle. «Certains ont trouvé cela un peu sombre et apocalyptique. Mais les plus jeunes ont dit qu'ils avaient vu des parcelles de lumière dans ce spectacle», relate-t-il.

Jocelyn Pelletier - courageux comédien qui avait livré en solo Vue d'ici - invite le public à «lâcher prise et se laisser aller à plus d'humanité possible.»

Le trio d'acteurs - qui collabore avec Lapointe depuis plusieurs années - parle de l'investissement total qu'exigent les oeuvres de l'auteur et metteur en scène. «Christian n'accepte pas les filtres, les béquilles», précise Sylvio-Manuel Arriola, faisant aussi référence au travail d'épuration, de recherche de solutions pour échapper aux «images superficielles.»

À eux trois, ils transmettent toute leur fougue et leur total engagement dans cette «symphonie du vacarme» signée Christian Lapointe. Qu'on adhère ou pas à la parole directe et abrasive de Lapointe, on ne peut rester indifférent au projet d'authenticité de ces artistes qui veulent faire émerger la lumière du chaos.

Anky ou la fuite/Opéra du désordre, texte et mise en scène de Christian Lapointe, du 10 au 28 février à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui.