Le dernier disque de Coldplay, Viva La Vida or Death and All His Friends, tire son nom d'une toile de Frida Kahlo. Comme la malheureuse peintre mexicaine, la musique de Coldplay ressemble souvent à une quête de beauté et de sens dans la tristesse.

> Voyez nos photos

Cette esthétique transparaissait plus que jamais du concert donné hier soir au Centre Bell devant 18 986 fans fébriles. À l'image du dernier disque, il marque un raffinement, à défaut d'une rupture.

Après la petite intro planante de My Life In Technicolor, le voile se lève lentement pour montrer La Liberté guidant le peuple, toile du XIXe d'Eugène Delacroix, et Chris Martin habillé comme un de ses combattants français. Violet Hill, premier simple du nouveau disque, se révèle alors d'une force évocatrice insoupçonnée, notamment grâce à la distorsion ajoutée des guitares.

Même agréable impression hier soir lors de 42, qui s'éloigne aussi de la recette Coldplay. Introduction au piano, lente progression rythmique avec la batterie, choeurs vocaux d'une surprenante amplitude: la musique de Coldplay s'enrichissait. Avant que la gomme baloune n'éclate dans le refrain.

Reste que ces hymnes, la foule s'en est régalée hier soir. Martin lui a d'ailleurs rapidement donné l'occasion de les chanter à pleins poumons. À peine 10 minutes après le début du concert, il balançait déjà des tubes comme Clocks, In My Place et Viva la Vida. Tous reconnus dès les premiers accords, tous accueillis par des cris.

«This is fucking great for a Tuesday night», s'est réjoui Martin.

En plus de ses refrains, la bande dispose d'une efficace mise en scène pour rapetisser le Centre Bell. Martin et cie ont d'ailleurs créé une commotion en se pointant juste derrière nous, en section 121, pour chanter The Scientist au milieu de la foule. Certains savouraient chaque seconde avec leurs yeux, d'autres par l'entremise de l'objectif de leur cellulaire.

Le groupe s'est aussi entassé sur la passerelle, transformée alors en scène secondaire, pour entonner quelques chansons. Autres bonnes idées scénographiques: une boule hissée au milieu de l'aréna qui reçoit les projections des musiciens, et un écran géant qui présente des images en noir et blanc, avec même un peu de grain. Une idée gâtée par le retour des couleurs.

Le somnambule engourdi

Sur scène, Martin se dandine au ralenti, tel un somnambule engourdi. Pas d'attitude de rock star ou de déhanchement impétueux avec lui. Il préfère les gestes simples et l'autodérision.

«C'est probablement une des pires erreurs de l'histoire de la musique», lance-t-il après qu'un problème de piano ait retardé le début de 42. Ces blagues servent de véhicule additionnel à la vulnérabilité exprimée dans son falsetto fragile et dans les musiques. Notre intervention préférée: au lieu de dénoncer facilement Fox News, Martin laisse Bill O'Reilly le dénoncer lui-même. Un clip rigolo montre l'agitateur américain qualifier Martin de «pimp». S'il le dit...

Martin, insomniaque avoué, a réussi hier soir à bercer la foule dans ses chansons, comme autant de réconforts. Pas de grand art qui déstabilise, mais quand même un apaisement qui réconforte. C'est déjà beaucoup.