Lewis Furey a toujours écrit de la musique, même si depuis des décennies, il s'est surtout consacré au théâtre, au cinéma et à la comédie musicale. Contre toute attente, le voici qui remonte sur scène pour chanter ses propres compositions, comme il le faisait à L'Évêché de l'hôtel Nelson dans les années 70.

La question tombe rapidement: pourquoi Lewis Furey revient-il chanter ses chansons après des décennies d'absence? «Je veux me recentrer sur ce métier premier d'écrire des chansons, répond Furey sans hésiter. C'est très bon pour un auteur-compositeur de se mettre en première ligne, d'avoir une réaction directe du public face à son écriture.»

Je rencontre Lewis Furey dans un café du Mile End où il a ses habitudes. La semaine précédente, il cherchait un pianiste de formation classique avec une sensibilité pour la musique populaire, pour l'accompagner à son retour sur scène au Festival de jazz. Il a trouvé: Alcibiade Minel, un jeune sorti du Conservatoire de Paris avec qui Furey travaille en France depuis quelques années.

Le jeune Lewis Furey, avec qui chantaient jadis Estelle Ste-Croix, Monique Fauteux et Lori Niedzielski, a aussi choisi ses deux choristes de 2008: Clara Furey, la fille que lui a donnée Carole Laure et que l'on connaît comme danseuse et actrice de cinéma, ainsi que Karine Deschamps, fille d'Yvon et Judi qui chante elle aussi depuis qu'elle est haute comme ça.

Dans les années 70, Lewis Furey était une sorte de phénomène: un artiste anglo qui faisait courir le Tout-Montréal francophone à la petite boîte de L'Évêché, un jeune prodige aux chansons très théâtrales qui avait le même agent que Cat Stevens et qui enregistrait ses disques à New York et à Londres avec des grosse pointures comme Roy Thomas Baker, réalisateur de Bohemian Rhapsody de Queen.

Après un excellent troisième album (The Sky Is Falling, qui comprenait une version anglaise d'Ordinaire, de Charlebois), il donne des spectacles avec Carole Laure, qui continuera à le chanter, et puis fini!

«Je trouvais ça un peu ingrat de faire des chansons de jeunesse alors que j'étais dans la trentaine et la quarantaine, explique Furey. J'admirais beaucoup les gens de 70 ans, comme Léo Ferré ou Yves Montand, qui faisaient de la scène et j'ai pensé attendre d'avoir 70 ans avant de revenir sur scène. Mais je me suis dit que si je voulais être prêt à faire des spectacles à 70 ans, fallait que je commence maintenant (rires).»

Furey, 59 ans, n'a rien écrit de nouveau pour ses spectacles au Cabaret du Musée Juste pour rire, mais les deux tiers des chansons qu'il a retenues, il ne les a jamais chantées en public. Dont des extraits d'Antoine et Cléopâtre, son adaptation musicale de la pièce de Shakespeare qu'il a présentée au TNM en 2005, ou encore des lieder de Brahms qu'il a adaptés en anglais.

Curieusement, c'est en partie l'échec le plus douloureux de sa carrière qui l'a amené à ce retour. En 2002, Furey travaillait à la mise en scène de la comédie musicale Cindy, de Luc Plamondon et Romano Musumarra, quand il a été remplacé par Gilles Maheu à un mois de la première représentation. Cindy a été un bide total et Furey n'en a jamais reparlé.

«Ils étaient de très mauvaise foi et puis je n'avais pas envie d'embarquer dans une guerre, dit-il aujourd'hui. Sinon, ils n'auraient pas pu présenter la production à Paris, et je pense que je leur aurais rendu service. J'ai quitté le jour où j'ai clairement dit qu'il fallait annuler la première à Paris. Le bébé n'était pas prêt, on était à un mois de la première et je n'avais pas de deuxième acte. Ce fut très mauvais pour ma réputation de metteur en scène, mais finalement, ça m'a aidé à me recentrer sur mon travail de compositeur et d'auteur.»

La critique n'a pas été tendre non plus envers Antoine et Cléopâtre que le TNM a ensuite présenté en France. Si c'était à refaire, Furey ne serait pas le metteur en scène de ce qu'il considère encore comme un «work in progress».

«C'était une première lecture d'une partition de deux heures et demie et je n'avais ni les moyens ni le temps de travailler avec un autre metteur en scène, explique-t-il. C'est plus fructueux pour un compositeur, surtout quand on fait le livret et la musique, de ne pas avoir la charge de la mise en scène en plus. Mais j'étais pressé. Si j'ai un regret, c'est de ne pas l'avoir fait plutôt en récital.»

Lewis Furey, au Cabaret du Musée Juste pour rire, les 3 et 4 juillet, 21h.