«Il y a le chemin que tout le monde veut vous voir emprunter et il y a celui que vous-même considérez comme le meilleur à prendre...»

À 56 ans, Gino Vannelli a la crinière plus épaisse et plus noire que jamais, pas une ride ni une livre de trop. Top Gino, malgré le millage... Des chemins, Gino Vannelli en a pris de toutes les sortes depuis qu'il a quitté Montréal il y a 30 ans. Il a connu la lumière des avenues de la grande pop - alors que tout le monde roulait sur le highway du rock. En 1990, il laissera les boulevards de Los Angeles pour les rues plus tranquilles de Portland.

Dans le calme relatif de l'Oregon, il partira à la recherche de lui-même sur les voies intérieures tracées par les grandes philosophies orientales. «J'ai beaucoup étudié les religions», nous disait-il au cours d'une entrevue récente en prévision de son deuxième passage au FIJM en deux ans. Et d'ajouter que la partie formelle de ses explorations religieuses s'était avérée beaucoup plus facile que la partie expérimentale qui, seule, par ailleurs, fait avancer vers la Vérité. Parfois par des venelles sombres, et toujours dans le doute: suis-je dans un cul-de-sac? ça débouche, mais sur quoi?

L'homme cherchait, l'artiste aussi. «Au milieu des années 90, j'ai enregistré Yonder Tree, un album qui marquait un virage net avec ce que j'avais fait avant. Ce disque a été assez mal reçu, certains m'accusant même de manquer de respect envers mes fans: ils voulaient entendre le vieux Gino Vannelli...» Après la sortie en 1997 de Slow Love, un autre disque de jazz acoustique, il travaillera entre autres avec le bassiste Alain Caron (Uzeb).

«Je ne suis pas un chanteur de jazz; Frank Sinatra ne l'était pas non plus. Le jazz est un idiome qui a des harmonies et un rythme propres que l'on retrouve chez des musiciens comme Wayne Shorter, Herbie Hancock ou Pat Metheny», dit-il.

Et Gino Vannelli explique qu'il aime combiner toutes les influences qui ont fait de lui l'artiste, unique, il faut le dire, qu'il est devenu. Les grandes ballades, le rythm'n'blues, le classique: Gino est un fan de Ravel qui alliait «l'aventure harmonique» à un classicisme certain. Et le compositeur français admettait d'emblée l'influence que le jazz, naissant, exerçait sur lui; au cours d'un voyage aux États-Unis (et au Canada) au début des années 20, il avait même averti ses hôtes américains qu'ils ne traitaient pas le jazz, leur musique nationale en devenir, avec assez d'égards...

Et ce concert au Festival? «Une autre expérience. En Europe, je chante tantôt avec un grand ensemble de 60 musiciens, tantôt du classique expérimental avec un orchestre de chambre appelé Magog. Et j'ai toujours mon West Coast Band, une bombe qui me procure le plus grand plaisir.»

Installé aux Pays-Bas depuis trois ans, le chanteur s'est d'abord remis à l'écriture, un processus douloureusement solitaire - «J'ai dû oublier que j'étais Gino Vannelli», - puis s'est lié avec des jazzmen hollandais dont, récemment, le pianiste Bert van den Brink, «un des meilleurs de Hollande». «Les Hollandais acceptent mon côté expérimental. Bert et moi sommes d'ailleurs à mettre la dernière main à un CD qui sortira en octobre.»

Entre-temps, Gino Vannelli propose ses grands succès dans ce Songbook Concert, en duo avec son ami aveugle (ils sont au North Sea Jazz Festival de Rotterdam la semaine prochaine). «Je prends le risque d'un concert d'une heure et demie avec juste un piano; ça m'oblige à utiliser ma voix différemment.»

Le chanteur change...

Gino Vannelli, The Concert Book, demain au Théâtre Maisonneuve de la PdA, 18h; avec Bert van den Brink au piano.