Mercredi, 20h45. Dans les coulisses du TD Banknorth Garden de Boston, Céline Dion chante une version improvisée de La danse à Saint-Dilon de Vigneault pendant que son équipe tape des mains. Par ses blagues, ses mimiques et son entrain habituel, Céline injecte une bonne dose d'adrénaline à ses musiciens avec qui elle défilera l'instant d'après jusqu'à la scène centrale. La veille, ils ont donné le deuxième spectacle du volet nord-américain de la tournée Taking Chances.

Cette marche jusqu'à la scène, Céline Dion en parle comme l'un de ses plus grands bonheurs, qui, croyait-elle mercredi, allait sans doute lui procurer un choc au Centre Bell, hier soir: «Je me sens vraiment comme un boxeur. Ça me donne toute mon énergie, ça m'enlève mon stress. Je touche les gens, je prends leur kodak et je fais une photo d'eux. Moi, je n'ai pas peur des foules, je n'ai pas peur du monde, j'aime ça.»

Pourquoi commencer à Boston et non pas à Montréal, où elle donne huit concerts en 17 jours? «Par superstition», reconnaît René Angélil. Les deux dernières tournées - c'était au millénaire précédent - ont commencé dans cette ville. «Vous êtes mon porte-bonheur», dira d'ailleurs la chanteuse québécoise à ses fans bostoniens. Pas étonnant que les deux spectacles filmés pour le DVD des Productions J soient ceux de Boston et Montréal.

Céline Dion est donc de retour sur scène après un mois de congé, un mot qui n'a pas sa place dans son vocabulaire. Parlons plutôt d'un mois sans donner de spectacle, au cours duquel elle a notamment participé à une activité humanitaire, répété avec les artistes qui chanteront avec elle sur les Plaines vendredi prochain et enregistré une nouvelle version de sa chanson À World To Believe In avec une petite Japonaise. J'oubliais, elle a passé quatre jours au chalet, seule avec son mari et son fils. «À tous les jours, je demandais: il me reste combien de jours de congé? se souvient-elle. René a reçu un appel téléphonique. J'ai demandé si c'était urgent. Plus ou moins, m'a dit la dame. Il a pris la ligne: «Dites-lui que vous ne m'avez pas rejoint.» J'étais très fière de lui, c'est important d'être capable de décrocher pour des choses qui sont essentielles dans la vie et ce n'est pas nécessairement le show-business. Pour moi, le show-business, c'est un party, un bonheur, un mode d'expression, une avenue. Ça fait partie de ma vie, mais ce n'est pas ma vie.»

«Full concentration»

Remonter sur scène mardi soir, après un mois de répit, n'a pas été facile pour Céline Dion. Il lui fallait retrouver ses repères. «Il y en a qui pensent que c'est une affaire de rien parce que je l'ai fait pendant quatre mois, dit-elle. Mais quand j'arrête un mois, si je décroche complètement, je peux tomber malade, des petites choses légères, mais le temps de me remonter, c'est très dur. Donc je n'ai pas vraiment relaxé, je n'ai pas décroché au complet et, malgré tout, j'étais dans tous mes états le soir de la première, hier. C'était full concentration, je ne pouvais pas trop m'exciter.»

Je n'ai pourtant pas devant moi une martyre. Bien au contraire. «Le show, ça me donne un kick, dit-elle. Qu'on aime ou pas ce que je fais, ça n'a rien à voir, je suis une artiste dans l'âme; moi, j'aime ça. Mais en fin de compte, c'est sûr que je préfère être avec René et René-Charles.»

Dans le spectacle actuel, elle rend hommage au groupe Queen. Loin d'elle l'idée de se comparer au regretté Freddie Mercury, «mais j'ai un peu de Freddie Mercury en moi, dit-elle. Je suis très dramatique et exagérée dans mes gestes, j'en suis très consciente, j'ai toujours été comme ça. Je me suis déjà vue à la télé, même moi je me surprends et je me dis que je devrais faire attention, même si je fais ça naturellement. C'est bizarre parce que quand je fais attention, les gens viennent me voir et me disent: comment ça se fait que tu ne fais plus ces gestes-là?»

Elle est étonnée qu'on mette en vente un neuvième spectacle à Montréal, le 13 février prochain, qui ne sera pas le dernier puisque René Angélil reconnaît que la tournée prendra fin au Québec, mais un peu plus tard en février, au Colisée de Québec ou encore au Centre Bell. «Une des raisons pour lesquelles j'ai accepté d'être le directeur de Star Académie, dit Angélil, c'est que ça se passe sur deux fins de semaine, le 8 et le 15 février, et qu'on sera ici à ce moment-là. Les autres fois, ça se fera probablement par satellite.»

Angélil a déjà dit qu'au départ, il s'attendait à ce que sa femme donne deux spectacles au Centre Bell. «On avait peur que les gens ne répondent pas à notre appel, dit-elle aujourd'hui. Moi, je ne tiens pas ça pour acquis. Je suis fière, je ne veux pas finir ma carrière sur le déclin.»

L'enfant d'abord

Ce serait mal connaître René Angélil que de croire qu'il n'a pas de projets pour sa chanteuse après la tournée Taking Chances. «Ça va dépendre si on peut avoir un autre enfant, dit-il. Ça, c'est notre plus gros projet.»

En février 2007, alors qu'on les croyait en vacances, René et Céline sont retournés à la clinique de New York pour se prêter au même processus qui a permis à la chanteuse de donner naissance à René-Charles en janvier 2001. «La première étape, la plus difficile (l'injection de spermatozoïdes dans les ovules) est complétée, dit Angélil. Les ovules sont prêts à être remis dans le corps de Céline. Ça, ça va plus vite: on va savoir en dedans de deux semaines si ça a marché.»

Que ça fonctionne ou pas, Céline Dion insiste: «Après la tournée, j'ai besoin de trois ou quatre mois de repos et d'un autre six mois de réhabilitation. Trois ou quatre mois où je peux rire à en perdre la voix, boire du vin, faut que je décroche. Je n'ose pas être libre de mon regard ou de mes espaces perdus parce que, justement, je ne peux pas les habiter trop. J'ai pleuré énormément pour ne pas revenir dans l'industrie après avoir pris deux années sabbatiques, je commençais à peine à être bien. J'aimerais suivre des cours de danse, pas pour devenir une danseuse, mais pour faire des étirements. En ce moment, je suis comme un pantin, je suis coincée. Mes mains tremblent, je ne peux même pas manger une soupe.»

Elle empoigne mon enregistreuse de sa main droite qu'elle met à la hauteur de mes yeux. Oui, sa main tremble. Beaucoup. «Ça fait déjà trois ou quatre ans, dit-elle. J'ai passé des radiographies, c'est juste de la tension.»

Depuis qu'elle est toute jeune, Céline Dion n'a jamais vraiment fait une pause - les deux années sabbatiques dont elle parlait tantôt ont vu naître son fils René-Charles. «C'est moi qui mets la barre à cette hauteur», dit-elle pourtant.

N'empêche, elle aimerait bien que la machine s'arrête un instant: «Ça ne m'empêcherait pas de faire un disque, ou un concert. Je pourrais faire le théâtre Saint-Denis trois soirs en chantant mes chansons préférées, françaises et anglaises, juste pour le fun. Ou encore monter sur scène avec un gros livre de musique et cinq ou six musiciens, on appellerait ça Demandes spéciales et je dirais aux spectateurs: que voulez-vous entendre? Ils me diraient, Céline, connais-tu telle ou telle chanson d'Éric Lapointe?»

Céline Dion, en spectacle au Centre Bell les 16, 19, 20, 23, 25 et 31 août, ainsi que le 1er septembre (supplémentaire: le 13 février 2009).