En entrevue téléphonique avec Wajdi Mouawad cette semaine, je lui ai demandé, comme ça juste en passant, ce qu'il pensait de l'annonce de la disparition de la Soirée des Masques, pour cause de manque de fonds. L'auteur d'Incendies et de Littoral n'avait pas été mis au courant. Normal, direz-vous, puisqu'il est en France et, de plus, qu'il n'a jamais été très friand de ce genre d'événements.

«Personnellement, je n'ai jamais voulu y participer. Mais cela est un avis très personnel et je ne critique en rien le gala. S'ils ont été obligés de mettre fin à cette fête, pour des raisons extérieures, je trouve ça dommage. De la même façon que je serai navré si le bar au coin de la rue ferme ses portes, même si je n'y vais jamais. C'est toujours dommage de ne plus faire quelque chose qu'on aimait.»

Curieuse de savoir comment la fin des Masques était perçue par le milieu montréalais, j'ai interrogé quelques artisans du théâtre. À l'instar de Wajdi Mouawad, le metteur en scène et acteur Philippe Lambert, n'avait pas eu vent de cette mort annoncée. Comme plusieurs de ses collègues, Lambert trouve important, voire essentiel, de tenir une fête annuelle qui célébrerait le théâtre. Par contre, il n'est pas convaincu que le petit écran soit le meilleur véhicule pour célébrer la production théâtrale.

«Il est toujours agréable de se retrouver ensemble. L'année dernière, alors que le gala a été fait hors des ondes, on a senti une plus grande liberté dans les numéros, qui étaient moins guindés. Alors qu'en créant un événement pour la télé, on a souvent eu l'impression que ça passait difficilement.»

Attaché de presse au TNM et ami de toute la communauté théâtrale montréalaise, Loui Mauffette se dit navré de la disparition des Masques, même s'il est de ceux qui remettaient en question le choix des lauréats, le concept de la soirée et la lourdeur de la structure. «Depuis les débuts, la composition des jurys et les nominations ont toujours été critiquées. Cela dit, je pense que la majorité des gens souhaite qu'on ait une fête du théâtre télévisée, qui soit accessible à tous et pas juste un club privé.»

La directrice artistique du TNM, Lorraine Pintal, déplore quant à elle le désengagement des gouvernements à l'endroit de l'Académie québécoise du théâtre. «Si on doit compter sur l'aide privée pour ce genre d'événement, ça ne marche pas. C'est dommage qu'on en arrive à un tel constat d'échec parce que les Masques étaient un bel instrument de promotion du théâtre.»

Comme plusieurs autres interlocuteurs à qui j'ai parlé, le président de l'Académie québécoise du théâtre, Vincent Bilodeau, souligne que les Masques servaient surtout les jeunes compagnies. «Ça a permis à de jeunes artistes d'obtenir une notoriété. Pensons à King Dave, par exemple, qui a connu une carrière retentissante après avoir remporté un Masque.»

La communauté théâtrale pleure la disparition des Masques? N'exagérons rien. Si on s'entend pour dénoncer l'absence de fonds publics alloués à la fête du théâtre, il faut reconnaître que la formule télévisée des Masques, telle qu'on l'a connue depuis sa création, avait fait son temps. On espère seulement que la nécessité de célébrer ne s'est pas éteinte avec la fermeture du bar