Hip-hop, rock, électro-pop, reggae, afro-funk, rigodon, on a eu droit à toutes les déclinaisons possibles de la musique francophone depuis 10 jours. Or, pour clôturer la programmation en salle des 20es FrancoFolies, le festival a opté pour un retour aux sources. Hier, au Théâtre Maisonneuve, c'est l'oeuvre de Félix Leclerc, le père du «modèle québécois» - le chansonnier qui s'accompagne à la guitare - qui a été célébrée. Dans le recueillement et le bonheur.

Félix, l'homme de paroles, mis en scène par Dominic Champagne, s'est ouvert sur une image forte. Michel Rivard, Mireille Deyglun, Julie Castonguay, Céline Bonnier et quelques autres sont entrés en scène pieds nus, leurs souliers à la main. Pendant qu'ils posaient leurs chaussures à l'avant-scène, Richard Séguin portait la guitare de Félix, qu'il a aussi posée à l'avant, tout près d'un tabouret, où elle est restée pendant tout le spectacle.

On a pressenti dès cette ouverture solennelle qu'on n'aurait pas affaire à l'un de ces hommages désincarnés qu'on a parfois le malheur de voir aux Francos. L'intuition s'est révélée juste. Félix, l'homme de paroles, monté pour souligner le 20e anniversaire du décès (le 8 août) du poète de l'île d'Orléans, fut probablement le meilleur spectacle des 10 derniers jours.

On ne se retrouve pas si souvent devant une parole aussi belle, aussi vive et aussi signifiante que celle de Félix. Il est encore moins fréquent d'avoir devant soi 18 artistes venus d'horizons divers - de Roy Dupuis à Catherine Major - et six musiciens qu'on sent vraiment investis dans un tel spectacle. Rassemblés autour de Félix, que certains d'entre eux ont connus, ils ont uni leurs talents et leur admiration pour donner une âme à ce spectacle.

Plus encore, il est extrêmement rare que ce genre de gala ait un propos. Félix, l'homme de paroles, constitué d'un très habile croisement de textes dits et de chansons, a donné à entendre toute la complexité de l'oeuvre du chansonnier disparu. Un grand segment du spectacle était constitué de textes dénonçant la sauvagerie du capitalisme, l'industrie de la guerre, la violence et le mépris des plus faibles. Puis, à la fin, par la bouche de sa fille Nathalie, venue lire son dernier texte, l'auteur de L'alouette en colère qualifie son oeuvre de «frileuse».

Pourtant, ses chansons et ses textes, tendres, sensuels (Dialogue amoureux, par Moran et Catherine Major) ou ironiques (Les emplois fiables, raconté par et à la manière de Fred Pellerin), sont traversés par une conscience aiguë de ce que nous sommes. Nous, francophones d'Amérique toujours dans une position précaire. Nous, êtres humains qui faisons tant de gestes qui rendent la vie des autres, et la nôtre, aussi précaire.

Comme promis, c'est donc la parole de Félix qui a été mise en valeur. Grâce à des interprètes sincères et aussi bons les uns que les autres. Pour dire tout ce qu'il y avait de beau et de bon dans cet hommage, il faudrait en nommer tous les artisans. L'espace manquerait à coup sûr, alors allons-y pour quelques coups de chapeau.

Jean Lapointe a fait un tour remarqué sur scène en chantant Attends-moi ti-gars avec la guitare et... la voix de Félix. Les interprétations de L'alouette en colère et du Chant du patriote furent vibrante. L'hymne au printemps de Marie-Claire Séguin fut particulièrement poignant, alors que c'est dans un grand bonheur que son frère Richard et elle ont repris Le train du Nord, "leur" succès des années 70. Julie Castonguay et Mireille Deyglun, à la fois narratrices et maîtresses de cérémonie, ont quant à elle été impeccablement justes.

L'émouvant spectacle d'un peu plus de 90 minutes restera l'un des grands moments, sinon le grand moment de ces 20es FrancoFolies. Le plus beau, c'est qu'il donne le goût d'écouter (ou de réécouter) et de lire (ou de relire) Félix. Le but ultime d'un hommage n'est-il pas moins de souligner la mort d'un artiste que de donner un nouveau souffle de vie à son oeuvre?

Félix, l'homme de paroles sera diffusé sur les ondes d'Espace Musique le 8 août, à 20h.