Si les FrancoFolies de Montréal ont 20 ans cette année, Nicola Ciccone, lui, s'y produit depuis 10 ans, c'est-à-dire ses tout débuts. En 1998, c'était à l'extérieur, en plein soleil. Ce soir, c'est plutôt dans la chaude pénombre de la salle Maisonneuve que ses fans le regarderont chanter Chanson pour Marie, J't'aime tout court, Un ami, Ciao bella et bien d'autres. Car, si Michel Rivard est considéré comme le «roi des Francos», Ciccone en est peut-être bien le prince charmant.

C'est en page 20 du programme des FrancoFolies de 1998: «Année après année, le concours (Ma Première Place des Arts) permet de découvrir de nouveaux talents. En vedette ce soir: Nicola Ciccone, Linda Racine et Sarah Bédard». Le spectacle avait lieu à 18 h, alors que le soleil plombait bien au centre de la grande scène montée à l'angle de Sainte-Catherine et Jeanne-Mance - car cette année-là, il avait fait chaud et humide en titi!

«Je m'en souviens encore, dit Nicola Ciccone en direct du studio où il met la dernière main à son prochain album en anglais, prévu pour septembre. Hey, on se produisait sur la grande scène, en formule piano-voix seulement! Et je devais passer le premier! Quand j'ai commencé à chanter L'opéra du mendiant, il y avait 100 personnes max devant la scène (rires), mais à la fin de mes six chansons, ils étaient plutôt 1000.» Ma collègue Josée Lapointe, qui avait couvert le spectacle, peut en témoigner encore aujourd'hui...

Les Francos ont toujours été favorables à Ciccone. Car deux ans plus tard, le Québécois d'origine italienne se produisait seul, avec un premier album sous le bras (L'opéra du mendiant) et au Spectrum, rien de moins. Plus fort, toujours plus fort, c'était sa toute première rentrée montréalaise à vie: «Tant au niveau de l'écriture que de l'interprétation, tout coule de source chez cet Italo-Québécois qui dépeint intensément de sa voix chaude la vie dans les rues de Montréal», lisait-on dans le programme des 12es Francos.

Chanteur populaire

C'est justement en remontant une des plus fameuses rues de Montréal que Nicola a connu un de ses grands chocs: «Juste avant mon show au Spectrum, je suis allé manger un steak pas loin. Je reviens de la rue Saint-Urbain en montant Sainte-Catherine, parmi les gens venus écouter des spectacles, et je vois une file de monde qui se déroule devant moi. J'avance, j'avance, je me demande où ils vont tous... et je me suis alors rendu compte que c'était la file d'attente pour le Spectrum, pour mon spectacle! Je pense que c'est la première fois que j'ai réalisé que j'étais un chanteur populaire...»

Ciccone sera aussi des FrancoFolies en 2002, à la fois pour l'Hommage à Bécaud, et pour un spectacle «carte blanche» auquel il invite Nanette Workman, Bïa et Manon Lévesque. C'est à cette occasion qu'il va chanter pour la première fois J't'aime tout court, qu'il n'a pas encore enregistrée.

«La réaction avait été très bonne, alors quand je suis revenu l'année suivante aux Francos pour faire le gros show sur la grande scène extérieure, je l'ai refaite, juste guitare-voix. Et là aussi, ça a marché.»

Mais ce n'est peut-être pas ce qui a alors le plus frappé le fils de Loretto et Maria Ciccone. «On faisait deux représentations, une à 21 h, devant une foule plus sage, et l'autre à 23 h, devant un public pas mal plus délirant. Et là, je vois une gang de punks juste devant la scène. Je me suis dit que j'étais fait, qu'ils allaient me niaiser tout le long... Pantoute! Chaque fois qu'il y avait une toune plus «up tempo», je les voyais qui sautaient et je me suis mis à sauter pareil, ça m'a boosté», explique-t-il en riant aux éclats.

Ce qu'il présentera ce soir, c'est le tout dernier arrêt à Montréal de sa tournée Nous serons six milliards. En plus de quelques représentations ici et là, il finit de fignoler en studio son album en anglais, qui sort en septembre et entreprend... une nouvelle tournée, fin octobre. Ce lancement pourrait suffire à justifier qu'il chante ce soir, en pleines FrancoFolies, Little Girl, le premier extrait en anglais de son disque, qui tourne déjà bien. Mais ce ne sont pas les bonnes raisons.

«D'abord, les gens qui ont payé leur billet ne me pardonneraient pas de ne pas la chanter. Mais surtout, c'est une chanson qui m'a été inspirée par les tueries de Dawson et de Polytechnique. C'est une cicatrice qui fait partie de ma ville, ça. Et je suis Montréalais. Et les FrancoFolies, c'est un festival montréalais.»