Certaines carrières démarrent plus vite que d'autres! Si tout va bien, les noms de Pierre Hébert et Jérémy Demay pourraient être sur bien des lèvres, et eux, sur bien des scènes, sous peu. Portraits de deux jeunes humoristes à surveiller.

Comme Jean-Marc Parent, il y a 20 ans, c'est dans la peau d'un handicapé attachant que Pierre Hébert pourrait bien faire sa marque. Ses passages au Théâtre Saint-Denis, vêtu d'un débardeur brun, dans la peau d'un garçon qui s'exprime sans filtre, n'ont laissé personne indifférent. Baptisé Renaud, son personnage s'inspire de celui incarné par Marc Béland dans le téléroman Annie et ses hommes. Mais là s'arrêtent les comparaisons! Le Renaud de Pierre Hébert fait dans la vulgarité. Une vulgarité à peine déplacée cela dit, vu la condition du personnage, qu'on accepte même si elle surprend.

Lors des galas animés par Mike Ward et Patrick Groulx, il y a deux semaines, Pierre Hébert a reçu de chauds applaudissements à la fin de son numéro. Notamment parce qu'il est arrivé, sans qu'on l'attende, au beau milieu d'un numéro des animateurs, leur piquant même leurs répliques! Exactement comme peuvent se présenter certaines personnes qui n'ont pas conscience qu'elles dérangent.

«Derrière la scène, le metteur en scène François Léveillée m'a dit: va les déranger! La claque fut monstrueuse! C'est toujours comique de mettre des animateurs dans l'embarras.» Trois ovations plus tard, Pierre Hébert jubilait! «Il m'a fallu 10 minutes pour comprendre ce qui venait de se passer, raconte l'humoriste. J'ai ensuite réalisé que c'était l'expérience d'une vie. Je ne peux viser trois ovations par numéro à l'avenir. C'était magique!»

Renaud a eu ses premiers bains de foule dans un bar de l'Outaouais et lors du festival du Grand Rire de Québec. Ce personnage pourrait devenir la marque de commerce de Pierre Hébert, mais celui qui l'incarne ne veut pas se limiter et a plusieurs autres numéros dans son sac. Le lendemain des galas ovationnés, il partait d'ailleurs en tournée de spectacles en Gaspésie.

Né à Sherbrooke, Pierre Hébert avait déjà un bac en psychologie en poche avant de s'inscrire à l'École nationale de l'humour (diplômé en 2005). «J'avais le goût de faire de la scène depuis longtemps et je ne voulais pas arriver à 40 ans et me dire: j'aurais pu faire autre chose dans la vie, raconte-t-il. J'ai survécu, les premiers mois d'études, grâce à des subventions... parentales! C'est difficile de travailler en étudiant, car il faut produire beaucoup et le plus vite possible.»

Et de là à ce que Pierre Hébert regrette ses études en psycho... «En humour, on est dans l'analyse et l'observation comme en psycho. Ce bagage me sert pour Renaud.»

Jérémy Demay

C'est d'abord sa taille qui frappe quand il se présente devant le public: 170 livres répartis sur 6 pieds et 5 pouces. Puis, son accent. Trois ans de résidence à Montréal n'ont pas masqué les origines dijonnaises de Jérémy Demay!

L'humoriste connaît maintenant assez le Québec pour dresser des parallèles pertinents entre les cultures française et québécoise. C'est notamment avec un numéro sur les expressions québécoises qu'il estime à la blague «plus viriles et moins gaies» que celles françaises qu'il a tenu le public en haleine, lors d'un gala Juste pour rire, la semaine dernière.

«Je suis amoureux du Québec, lance-t-il en entrevue. J'ai du mal à rentrer en France. Je suis rendu votre Québécois d'adoption. Je parle avec des «tu-veux-tu». Je dis «soccer» et non «foot»! Je veux être «votre» Français!»

Jérémy Demay venait de terminer des études en commerce et marketing en Pennsylvanie quand il a mis les pieds à Montréal.

«Je devais me trouver un stage de fin d'études, explique-t-il. Par hasard, j'en ai trouvé un de six mois en production à Juste pour rire.

«Si je n'avais pas eu de stage à Juste pour rire, je ne sais pas ce que j'aurais fait», poursuit Demay. Car à Montréal, il assiste à de nombreux spectacles d'humour et décide un jour de monter sur scène, lors de soirées amateurs, «juste pour essayer». Puis, il a la piqûre.

«Je me suis alors dit que ça me prendrait du bon matériel, si je voulais me lancer là-dedans». Il harcèle alors deux humoristes-auteurs (Étienne Langevin et François Valade des Machines de l'humour). «Ils n'avaient travaillé qu'avec des gens importants. J'ai insisté, leur ai envoyé des courriels. Je les voulais, eux.»

Pour s'assurer que le petit Français avait l'humour dans la peau, les deux humoristes trimballent Demay en tournée, en camionnette, sur la Côte-Nord, en plein hiver!

Celui qui pensait se faire accueillir dans l'indifférence la plus totale, en région, est alors étonné par la chaleur et la gentillesse du public. Ce qui le conforte dans l'opinion qu'il s'est fait des Québécois, depuis son arrivée ici. «Vous êtes plus ouverts, plus libres en général, moins stressés, moins grosse tête et plus accessibles que les Français», juge Demay.

L'humoriste a déjà hâte de retourner à Rimouski, Baie-Comeau et Sept-Îles! Ce qui se reproduira toutefois après des spectacles donnés à Drummondville, Sherbrooke et des vacances en France, pour voir sa famille. «Je n'y suis pas allé depuis six mois.»