Ce soir et demain, Juste pour rire déroule son tapis vert sous les pieds de Florence Foresti. Récit de la carrière d'une humoriste qui doute encore malgré une ascension fulgurante.

«Quels sont vos humoristes passés et présents préférés?» Les sondages français ne manquent pas dans l'internet. Florence Foresti se classe souvent en haut de palmarès. Aux côtés d'hommes. Des Louis de Funès et Gad Elmaleh, par exemple. Parfois, aux côtés de Muriel Robin, son «inspiration». «Ma seule inspiration vraiment, affirme Florence Foresti. Elle représente ce que j'ai eu envie de faire dans la vie : de l'humour asexué.»

L'humoriste a beau s'être effacée un peu, l'an dernier, à cause d'une grossesse et d'une opération, sa popularité ne s'en est pas ressentie. Elle peut remercier Laurent Ruquier et YouTube! C'est la folie depuis qu'elle a été engagée sur le plateau de l'émission On n'est pas couché, diffusée sur France 2, pour faire des imitations.

Il faut la voir se métamorphoser en Isabelle Adjani, Ségolène Royal, Paris Hilton, Madonna et même Céline Dion. Si l'accent québécois n'est pas au point, la gestuelle pourrait confondre René Angélil lui-même! Allez espionner sur YouTube! «La télé a beaucoup accéléré les choses pour moi, note Foresti. La télé chez nous change beaucoup les choses, point.»

C'est en totale inconnue qu'elle s'est présentée au public québécois, il y a quatre étés, en imitant les hommes bourrus et les femmes qui ne veulent rien savoir des enfants. Elle a chaque fois quitté la scène sous un tonnerre d'applaudissements. L'an dernier, l'organisation de Juste pour rire lui a proposé l'animation d'un gala. Le fait de devenir sous peu maman l'a finalement empêchée de mettre les pieds au Québec. Mais ce n'était que partie remise. Ce soir et demain, elle anime enfin son gala au festival.

«Ça m'effraie un peu, a-t-elle confié à La Presse, il y a trois semaines, au téléphone. Gilbert Rozon m'a un peu forcée. Il ne m'a pas laissé le choix. Il m'a dit : j'ai ouvert la billetterie! Autrement, je suis du genre à dire non tout le temps.

«Les différences culturelles me font peur, ajoute Foresti. Et au Québec, je n'ai pas la reconnaissance que j'ai en France. Je rêve toutes les nuits de Montréal. Je rêve d'un plateau où je n'ai pas de costumes...»

Peut-être préférerait-elle venir à Montréal simplement en tant que touriste... «J'adore cette ville, lance-t-elle. Dès que j'y mets les pieds, je m'en vais sur le boulevard Saint-Laurent où se trouvent deux boutiques que j'adore. C'est shopping, moi, Montréal! J'espère, cette fois, avoir le temps de connaître la ville un peu mieux. Chaque fois, je n'y fais que travailler.»

Alors, au travail! Au cours d'un gala, déjà présenté à Nantes, il y a trois mois, Florence Foresti déclinera aux spectateurs les nouveaux codes de masculinité et de féminité. «Les rôles tendent à s'inverser», estime-t-elle. Le thème colle à merveille à cette fille qui a une énergie ni vraiment féminine ni vraiment masculine sur scène. Qui semble aussi se foutre de l'image qu'elle projette. Pour autant qu'elle amuse. «Sur scène, j'ai l'impression d'être une fille et un garçon, dit-elle. Jeune, j'ai été un peu garçon manqué. Je ne me retrouvais pas dans l'image projetée par les filles. À l'adolescence, les garçons ont plus d'attirance pour les filles féminines. Moi, j'étais leur bon copain.»

En basket

C'est habituellement en pantalon ample noir et en baskets qu'elle se présente sur scène. Quand elle chausse des talons, c'est pour imiter justement des Ségolène Royal. «Une femme trop obsédée par son image ne peut se lâcher vraiment sur scène, juge Foresti. On doit se sentir libre dans son corps pour s'exprimer vraiment. Sur scène, des talons hauts entravent le jeu. Ce n'est pas l'endroit pour montrer ses jambes. Je le fais dans la vie, mais pas sur scène. À moins qu'un personnage ne le commande. J'ai besoin de gommer mes formes pour performer.»

Ce soir et demain, elle compte s'amuser sur scène avec Stéphane Rousseau, Anthony Kavanagh, François-Xavier Demaison et Rachid Badouri notamment.

On aura désormais en face de nous une jeune mère. D'avoir donné la vie ne l'a pas rendue moins accessible. «On pense à deux fois avant de devenir mère quand on est humoriste, mais pas quand on a 34 ans! avoue Foresti. Cela dit, j'ai eu d'énormes doutes quant à ma carrière. Je ne savais pas si j'allais avoir l'envie d'y revenir. Je considérais la maternité comme un obstacle.»

Deux mois après son accouchement, celle qui a fait ses débuts dans des cafés de Lyon, en 1998, était sur un plateau de cinéma. Les Français risquent aussi de revoir rapidement sur scène Florence Foresti, qui a fait ses classes dans des petits théâtres en province jusqu'à l'Olympia de Paris en peu d'années. «Tout s'est passé très rapidement, raconte l'humoriste. J'ai eu de la chance! Je n'ai pas eu l'impression de lutter. J'ai écrit un spectacle qui a trouvé son public rapidement, sans producteur.»

Pas mal pour une fille dont l'arbre généalogique ne compte aucun artiste et qui a longtemps refoulé son désir de monter sur scène. La cadette de deux filles rêvait secrètement depuis toujours de gagner sa vie en faisant rire. «Les humoristes sont d'ailleurs souvent des cadets, juge-t-elle. On a besoin de se faire remarquer!»

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Le gala de Florence Foresti, ce soir et demain soir, à 19 h 30, au Théâtre Saint-Denis.