On n'avait pas idée que le virtuose parisien Renaud Garcia-Fons pouvait mener aussi loin le jeu de contrebasse. Sur disque, on connaissait son style flamboyant, sa rapidité et sa précision hallucinantes dans le pizzicato (notes pincées, la pratique «normale» dans le jeu de contrebasse jazz) et l'incroyable jeu d'archet qu'il a mis au point.

Sur scène? Mercredi soir au Gesù, cette musique de performance a pris tout son sens. À travers une forme flamenco jazz, donc un cadre incarné et tributaire d'une tradition véritable, le trio du contrebassiste a convié les mélomanes à une séance mémorable.

Je ne suis pas particulièrement fan des musiques de performance mais là, on faisait face à un phénomène de taille. On en était même à se demander qui pouvait surpasser ce contrebassiste sur l'entière planète jazz! Neils Henning Orsted Pederson? Il n'est plus de ce monde. Bien sûr, il en pleut des virtuoses de la contrebasse, il en surgit de partout. Mais des solistes de cette trempe? Des réformateurs aussi marquants? En autant que je sache, Renaud Garcia-Fons m'apparaît comme le plus impressionnant de la période actuelle. Vous avez d'autres suggestions? Je reçois les bulletins de vote.

Bien sûr, cette musique est conçue par un instrumentiste virtuose et non un compositeur de premier plan. Ainsi, la finesse et la complexité de son langage se fondent d'abord sur l'interaction entre les musiciens, moins sur une structure globale. Pour atteindre un tel niveau, Garcia-Fons s'est adjoint un excellent guitariste nuevo flamenco, Kiko Ruiz, ainsi qu'un percussionniste de haute volée, Daniel Rollando. Leur talent leur permet certes d'exprimer la complexité instrumentale qu'exige leur employeur, ce dernier les domine néanmoins.

Steve Bernstein

Après s'être pâmé, il fallait se bidonner. Hier soir au Théâtre Maisonneuve, le trompettiste et compositeur Steve Bernstein a imaginé les trames sonores de trois classiques de l'humour américain, signés Stan Laurel & Oliver Hardy - les films muets Sugar Daddies, Double Whoopee et Wrong Again.

On n'en est pas à la première aventure du genre: Dave Douglas et Bill Frisell l'ont fait dans le jazz, René Lussier et Robert Marcel Lepage l'ont fait dans la musique actuelle, Martin Matalon l'a fait dans la musique contemporaine, pour ne citer que quelques exemples. Pour leur part, Bernstein et son Millennial Territory Orchestra créent un jazz accessible quoique exigeant pour la dizaine d'interprètes mis à contribution, un jazz légèrement avant-gardiste, à peine audacieux, parfaitement en phase avec chaque séquence des films choisis.

Vu l'assistance relativement faible (salle pleine au tiers), une salle plus petite aurait créé une meilleure ambiance. Mais bon, la rate fut quand même dilatée...