Autant le dire tout de suite, l'adaptation québécoise de L'emmerdeur de Francis Veber était une entreprise à haut risque. D'abord, parce que Juste pour rire a fait le périlleux pari de confier le rôle-titre à Laurent Paquin, un humoriste qui n'a pratiquement jamais joué au théâtre. Ensuite, parce qu'on a voulu fabriquer de toutes pièces un duo comique, en adjoignant à Paquin un James Hyndman qui, dans le rôle du tueur à gages Ralph Milan, joue dans un registre complètement différent.

Et puis, l'idée de québéciser un genre très profondément ancré dans la tradition comique française n'était pas gagnée d'avance. Mais cessons de tourner autour du pot et de chercher des coupables: L'emmerdeur, malgré ses moments de drôlerie physique, rate sa cible.

À la décharge des comédiens et du metteur en scène, soulignons tout de même que cette pièce, qui a d'abord été un film dans les années 70 a bien pris quelques rides, depuis que Jacques Brel a incarné L'emmerdeur 1er.

Des blagues simplistes sur l'homosexualité présumée des deux protagonistes par le garçon de chambre, une vague (et invraisemblable!) intrigue conjugale, une conclusion bâclée... On est bien loin de l'humour cinglant du Dîner de cons.

James Hyndman parvient bien à nous arracher quelques fous rires, en colmatant les failles avec ses cabrioles fantaisistes, tantôt pour jouer les drogués par erreur ou simuler la folie. En incarnant ainsi les rigolos, il s'éloigne toutefois du côté stoïque de Milan, dont la tache première est d'être exaspéré par la bêtise du fameux emmerdeur.

En ex-épouse entichée de beaux mâles et de sports équestres, on retrouve l'ombre de la pourtant brillante Violette Chauveau. Quant à Pierre Chagnon, dans le rôle du Dr Edgar Warren, il excelle lors d'une bagarre dans un lit avec François Pignon alias Paquin. Un moment drolatique qui nous évoque étrangement une autre mémorable scène de chambre d'hôtel, qui est reste gravée dans l'esprit de tous ceux qui ont vu le film Borat. Quant à Laurent Paquin, eh bien! le mieux que l'on puisse lui souhaiter est de ne pas abandonner sa belle et fructueuse carrière d'humoriste.

Ajoutez à cela un manque de rythme, un décor beige, une intrigue sans intérêt et une chimie inexistante entre les deux anti-héros. De la merde? Quand même pas. Mais une certaine déception. Et même un peu d'ennui.

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L'emmerdeur, texte de Francis Veber, adaptation de Jean-Philippe Pearson, mise en scène de Carl Béchard, jusqu'au 12 juillet. Puis du 15 au 19 juillet au Monument-National. Supplémentaires jusqu'au 26 juillet.