La musique populaire n'est pas toujours juste envers ses sujets. Eric Clapton remplit encore des stades, alors qu'un autre dieu britannique de la guitare, Richard Thompson, ex-prodige de la six cordes au sein de Fairport Convention, se contente d'une Place des Arts, ce soir, en solo - ce qui n'est pas rien, convenons-en, mais...

«Je serais ravi de jouer au Centre Bell! dit Thompson en rigolant. En réalité, je pense que mon style de musique n'est pas vraiment populaire. Clapton joue du blues, le blues est populaire, le public comprend très bien ce genre, c'est facile pour tout le monde. Je crois que le genre que je fais est plus difficile à apprivoiser. Et c'est très bien ainsi: j'ai mon public, il est très loyal, c'est fantastique. Ils sont aussi très exigeants, c'est une qualité.»

Célébré pour sa technique de jeu totalement maîtrisée, Richard Thompson fait office de vétéran de la scène folk et rock britannique. Instrumentiste précoce nourri aux disques de jazz et de musique traditionnelle écossaise de son papa (détective à Scotland Yard), Thompson rejoint le jeune groupe Fairport Convention à l'âge de 18 ans et contribue au premier album du groupe (éponyme, 1968).

Fortement marqué par la scène folk américaine des années 60, le groupe se démarque d'abord par ses reprises inspirées - Dylan, Joni Mitchell, et un jeune auteur-compositeur encore vert, Leonard Cohen: «Nous avions eu la chance d'entendre les premières maquettes de cette jeune artiste, Joni Mitchell. Tout de suite, nous avions adoré. Fairport Convention est l'un des premiers groupes à avoir reconnu son talent.»

Avec le temps, Thompson, aiguise sa plume de son côté et contribue au répertoire du groupe (Crazy Man Michael, Meet on the Ledge) avant de s'en séparer, en 1971.

Auteur-compositeur

Les décennies suivantes confirmeront que Richard Thompson n'est pas qu'un guitariste doué, mais également l'un des plus brillants auteurs-compositeurs de sa génération, sensible, souvent tragique et inquiet dans ses thèmes, politiquement et socialement allumé. Paru l'année dernière sans fanfare ni trompettes, son plus récent album solo, Sweet Warrior, est un secret trop bien gardé, farci de chansons incisives, engagées, de blues et de rock - comme dans l'excellente Dad's Gonna Kill Me, «Dad» étant la contraction de Bagdad...

De plus, la voix du chanteur, légèrement rauque, plus grave qu'il y a 30 ans, n'a jamais aussi bien sonné. «C'est aussi mon avis, je crois que je chante mieux aujourd'hui», dit doucement Thompson, joint à son domicile de Los Angeles.

Si Thompson admet volontiers que le genre musical qu'il privilégie n'est pas forcément populaire, c'est parce que son parcours est jalonné d'expériences captivantes et peu communes.

Du blues à la musique traditionnelle écossaise, en passant par le rock d'avant-garde - le guitariste a été du groupe The Golden Palominos du batteur Anton Fier -, la trame sonore et même la musique classique.

«Ces temps-ci, je compose pour trois projets différents: un nouvel album rock électrique, un album acoustique, et une commande pour un orchestre à cordes classique. Ce sera un cycle de chansons, mais je n'ai que quelques idées déjà couchées. Je me donne encore un an avant d'en faire le tour. J'ai beaucoup de choses à apprendre. En musique, on se doit de continuer toujours à apprendre quelque chose de nouveau.»

«Tous les jours, je découvre quelque chose à propos de la guitare», dit-il, et ses concerts en solo lui permettent d'explorer encore son instrument, son répertoire et son public.

Le public, lui, pourra admirer l'admirable technique de Thompson, qui a bien failli ne plus être la même il y a quelques semaines à peine... «Un petit accident. J'étais au Mexique où un scorpion m'a piqué. Pas un gros, un scorpion moyen. J'ai dû annuler des concerts et prendre plus d'un mois de repos. Il m'avait piqué sur le doigt!»