En langue tamajaq, Etran désigne les étoiles. Finatawa, en peul wadabé, signifie tradition. Ces deux peuples nomades du Niger, dont 80 % du territoire est désertique (le Sahara, évidemment), se côtoient depuis des siècles. Depuis peu, cependant, des musiciens de chacune de ces communautés séculaires ont entrepris de fusionner leurs musiques respectives.

«En tant que Touaregs et Peuls Wadabés, nous voulons présenter cette diversité qui existe au Niger. Certains pensent que cette cohabitation n'est pas souhaitable, nous croyons que c'est faux. Nous sommes parmi ceux qui tolèrent vraiment», affirme Arou Daini Ismaguil, bassiste de la formation Etran Finatawa.

«Nous voulons projeter une image d'unité aux autres ethnies du Niger, et ainsi démontrer qu'il est possible de vivre ensemble malgré nos différences. Lorsque des Peuls Wadabés et des Touaregs assistent ensemble à nos spectacles, c'est vraiment beau à voir», insiste le musicien touareg.

Al Housseini Mohamed Anivolla, guitare solo et deuxième voix principale d'Etran Finatawa (et aussi Touareg), raconte le processus de cette fusion: «Au départ, nous formions deux groupes distincts. Il y a quelques années, ces formations avaient été invitées au Mali dans le cadre d'un festival; avant de quitter cet événement, nous avons entrepris de créer quelques chansons ensemble. La réaction a été tellement forte, tellement positive, que nous avons envisagé de fonder un groupe ensemble lorsque nous sommes rentrés à Niamey – capitale du Niger.»

Ainsi, s'imbriquent désormais les chants, langues, rythmes et danses de chacune de ces deux cultures au sein d'Etran Finatawa. «La musique des Wadabés, explique Al Housseini Mohamed Anivolla, est riche en chants et percussions. Alors que nous, Touaregs, mêlons nos instruments traditionnels aux guitares électriques.» Cette approche, d'ailleurs, n'est pas sans rappeler celle du fameux groupe Tinariwen, constitué de Touaregs maliens.

Parmi les huit grandes ethnies du Niger, les Peuls Wadabés et les Touaregs se sont croisés au fil du temps, surtout à cause de leur mode de vie nomade et du partage d'un même territoire - la région du Tchintabaraden, zone désertique au nord du pays. Ces deux peuples, toutefois, ne sont pas majoritaire au Niger; ce sont les Haoussas qui dominent le pays - également très présents au Nigeria ainsi qu'au Tchad.

«Je ne pense pas qu'il y ait énormément de différences entre les Wadabés et les Touaregs, pense Arou Daini Ismaguil. Les Peuls Wadabés élèvent des bovins et les Touaregs font de même avec des chameaux. Bien sûr, un nombre croissant de membres de chaque communauté s'installe en ville afin d'y chercher du travail. Mais... Peuls Wadabés et Touaregs veulent encore vivre cette liberté que leur procure le nomadisme. C'est ce qui leur est le plus cher. Or, nous sommes victimes de la colonisation et de la modernisation qui nous privent de plus en plus de notre mode de vie nomade et de nos troupeaux.»

C'est pourquoi Desert Crossroads, le deuxième album d'Etran Finatawa, évoque directement les ruptures qu'ont vécu ces deux peuples après avoir connu un style de vie stable pendant des centaines et des centaines d'années. Peuls Wadabés et Touaregs vivent désormais sous la pression du sédentarisme... Ce qui les mène parfois à résister par la musique, en unifiant leurs traditions.

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Etran Finatawa se produit mercredi soir, 20 h au National, en remplacement des Go de Koteba, dans le cadre du Festival Nuits d'Afrique.