Les avocats des aînés de Johnny Hallyday, Laura Smet et David Hallyday, ont tenté vendredi de convaincre la justice française de la nécessité de geler les avoirs du rockeur et demandé un droit de regard sur son ultime album, ce que leur dénient son producteur, Warner, et sa veuve, sa dernière épouse Laeticia.

En attendant que la bataille autour de la succession de Johnny Hallyday, Jean-Philippe Smet de son vrai nom, décédé le 5 décembre à l'âge de 74 ans, soit tranchée sur le fond, le tribunal de grande instance de Nanterre, près de Paris, a indiqué qu'il rendrait le 13 avril sa décision dans cette première affaire qui déchire les deux camps.

Le rôle exact joué par Laeticia dans la succession de son mari a été l'un des points centraux des débats : les avocats de David et Laura s'interrogent sur sa qualité d'« exécuteur testamentaire », alors qu'elle est aussi l'unique bénéficiaire du ou des trusts, structures juridiques complexes de droit américain, réunissant les actifs du chanteur.

« On finit par s'y perdre » et ne plus « savoir exactement comment les choses s'articulent », a regretté Me Emmanuel Ravanas, avocat de Laura Smet.

« On nous dit : il fallait agir » en justice « contre le trustee », le gestionnaire des actifs, et non « contre Laeticia qui n'est rien, simplement la bénéficiaire de tout ça », note Me Carine Piccio, l'une des avocates du fils du chanteur.

Mais « ce qu'on a appris depuis » la première audience le 15 mars devant le tribunal de Nanterre, « c'est qu'il n'y a pas de trustee », s'insurge son confrère Me Ravanas. « On nous a précipités au bord d'un précipice qui s'appelle déni de justice », estime l'avocat.

« Urgence à agir »

Or, pour Me Pierre-Jean Douvier, l'autre avocat de David Hallyday, « il y a urgence à agir » car « une fois les actifs mis en trust, on se retrouve devant un coffre-fort ».

Carine Piccio a pour sa part pointé en Laeticia « une communicante hors pair » qui « manipule l'opinion publique et les débats ». « Mais venir ternir l'image [du chanteur] pour redorer le blason de Mme Boudou », le nom de jeune fille de Laeticia Hallyday, c'est « scandaleux », a estimé l'avocate.

Revenant sur « la ligne directrice » des six testaments consécutifs du rockeur, l'avocate note « une réduction testament après testament de la part réservataire des enfants de Jean-Philippe Smet » nés de précédentes unions, jusqu'à ses ultimes volontés exprimées en juillet 2014 en Californie.

« On essaie de bâtir une histoire, l'histoire d'un homme fragilisé, faible, accaparé par sa belle-famille aux seules fins d'une mainmise sur sa fortune », a rétorqué Me Ardavan Amir-Aslani, conseil de Laeticia Hallyday, mais il y a « beaucoup de fantasmes autour de la vie de l'artiste ».

Certes, les dispositions testamentaires successives « vont effectivement dans une seule direction, vers sa femme », mais « est-ce que c'est interdit, immoral ? », a-t-il interrogé.

Le trust JPS (pour Jean-Philippe Smet), mis en place en juillet 2014, était géré par le chanteur jusqu'à sa mort et devait, selon ses dernières volontés, bénéficier à son décès à sa veuve, puis à ses filles Jade et Joy à la disparition de leur mère.

Ce montage financier complexe, très courant dans les pays anglo-saxons, a été pensé pour permettre à Laeticia de conserver un standing « conforme au niveau de vie auquel [son mari et elle] ont été habitués durant leur vie commune », selon ses statuts, dont Libération a reproduit des extraits jeudi.

« Droit d'écouter »

Outre son patrimoine, le 51e album studio que l'artiste avait presque achevé à sa mort et qui doit sortir courant 2018 a également été évoqué dans les débats.

« Johnny Hallyday a validé l'ensemble des compositions musicales qui figurent sur l'album », a plaidé l'avocat de Warner Music France Eric Lauvaux. « Warner Music est le propriétaire des enregistrements et nous enjoindre de remettre ces enregistrements n'a aucun fondement », a-t-il ajouté.

Me Pierre-Olivier Sur a demandé pour sa cliente Laura Smet au moins « un droit d'écouter l'album, sans remise du support ».

David et Laura ont engagé une autre action devant le tribunal de Nanterre, qui elle pourrait prendre des années, pour dénoncer le caractère illégal en droit français des dernières volontés de leur père exprimées dans le testament de 2014, qui selon eux les « déshéritent ».