Interpellé depuis quelques semaines par des organismes qui jugent insuffisant l'ajout de 4 millions au budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), le ministre de la Culture Luc Fortin s'engage à créer un comité de travail pour établir d'ici l'automne les besoins réels du milieu culturel.

« Ce comité de travail sera dirigé par le Ministère. Nous y convierons le CALQ, de même que la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), ainsi que des représentants [des différentes disciplines artistiques]. Ainsi, nous documenterons les besoins en matière de soutien à la création, tout ça pour encore mieux [préparer] notre plan d'action qui accompagnera la politique culturelle », a expliqué le ministre en entrevue avec La Presse.

Hier après-midi, M. Fortin a rencontré des représentants du Mouvement pour les arts et les lettres et du Conseil québécois du théâtre (CQT), qui réclament depuis plusieurs semaines que le budget du CALQ soit augmenté de 40 millions dès cette année.

« On avait demandé un rendez-vous avec M. Fortin dès le mois de mars, au moment du dépôt du budget. On se retrouve maintenant à le rencontrer alors que toutes les cartes ont été jouées, y compris le dépôt d'un projet de politique culturelle », a affirmé David Lavoie, coprésident du CQT, quelques heures après sa rencontre avec le ministre Fortin.

« C'est bien beau, ce projet, mais c'est un deuxième étage que l'on construit sur une maison qu'on a commencé à échafauder solidement », pense David Lavoie, coprésident du Conseil québécois du théâtre.

Selon ce représentant du milieu du théâtre, si aucune somme n'est ajoutée d'urgence, le milieu sera « en crise dès l'automne ».

« On a le sentiment qu'on ne sera pas capable de s'engager dans une nouvelle politique culturelle et de suivre ces nouvelles orientations [...] [sans] une bouffée d'air frais », a dit M. Lavoie.

Aucune augmentation cette année

Lors de sa rencontre avec le ministre, jugée positive pour « le ton et la sensibilité exprimée à l'égard des besoins du milieu », le CQT a d'ailleurs demandé à Luc Fortin d'accompagner ses représentants auprès du président du Conseil du trésor Pierre Moreau ainsi que du premier ministre Philippe Couillard afin de demander des sommes supplémentaires pour le CALQ, qui réévalue en juillet ce qu'il verse aux organismes pour les quatre prochaines années.

« Pour l'année en cours, il n'y aura aucune augmentation supplémentaire au budget du CALQ. Il n'y aura aucun changement à l'annonce qui a été faite », a toutefois réitéré le ministre Fortin à La Presse, fermant ainsi la porte de façon non équivoque à cette demande.

Un ton différent au MAL

Tout comme le CQT, la porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres (MAL), Fabienne Cabado, demande une hausse immédiate du budget du CALQ, mais avec un ton qu'elle dit « moins virulent », a-t-elle tenu à souligner en entrevue avec La Presse.

« Le CQT a sa manière spectaculaire d'exprimer sa colère, mais nous sommes nombreux dans le milieu artistique et nous n'avons pas tous la même approche, indique Mme Cabado. Nous sommes insatisfaits [de l'ajout de seulement 4 millions au CALQ], mais notre ton est moins virulent. Nous voulons collaborer, un bras de fer n'est utile à personne. » 

« Une collaboration pour une compréhension mutuelle, pour faire les meilleurs choix politiques, c'est bon pour tout le monde. Autant pour le politique que le milieu culturel et la société  », a ajouté Mme Cabado.

L'opposition déçue du projet de politique culturelle

La critique de l'opposition officielle en matière de culture, la députée péquiste Agnès Maltais, juge que le projet de politique culturelle présenté mardi par le ministre Luc Fortin « tombe dans les généralités » et qu'il est un regard « tourné vers le XXe siècle, plutôt que vers le XXIe. »  En entrevue avec La Presse, Mme Maltais a notamment déploré que le projet ne parle pas davantage des nouveaux médias, tels Netflix, Facebook et Google, et qu'il n'aborde pas des pistes de réflexion en matière de taxation ou de crédits d'impôt pour aider les créateurs québécois face à ces géants du web.

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire, se dit pour sa part « extrêmement déçue » par le projet de politique culturelle, qu'elle dit « composé de belles phrases qu'on aurait pu écrire sans faire de vaste consultation ». La députée de Québec solidaire réclame que le budget du CALQ soit augmenté dès cette année de 40 millions et que les fonds supplémentaires qui doivent être injectés au ministère de la Culture pour lancer la politique culturelle s'ajoutent à cette somme.