Un concours national de composition organisé par le Parlement du Canada pour souligner le 150anniversaire de la Confédération a suscité la grogne des compositeurs d'un océan à l'autre au cours des dernières semaines, en raison du prix de 800 $, jugé dérisoire, offert au gagnant.

Le concours À vos cloches, Canada, propose d'écrire une oeuvre de cinq minutes pour le carillon de la tour de la Paix du parlement, dont on célèbre cette année les 90 ans. Les prix offerts dans les deux catégories sont de 800 $ et 400 $. L'oeuvre sera interprétée par le carillonneur du Dominion le 1er juillet 2017.

Or, selon le tarif minimum recommandé par la Ligue canadienne des compositeurs, une commande pour une oeuvre à un ou deux exécutants devrait être de 425 $ par minute de musique.

Une pétition adressée à Geoff Regan, président de la Chambre des communes, et à Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, lancée sur avaaz.org le 22 décembre, a recueilli quelque 530 signatures. La pétition demande que les prix soient bonifiés «compte tenu du contexte prestigieux de ce concours et du budget global des célébrations du sesquicentenaire de la Confédération canadienne en 2017 (estimé à plus de 210 millions)». La pétition demande aussi que l'on modifie le règlement pour garantir que les gagnants recevront des redevances conformes à la Loi sur le droit d'auteur.

Le compositeur Simon Bertrand, à l'origine de cette initiative, souligne qu'il a entrepris des démarches auprès du Parlement et de la ministre Joly dès le mois d'août pour les sensibiliser à ces questions. 

«Quand le concours a été annoncé et que j'ai vu le prix, je me suis tout de suite dit que ça n'avait pas de sens, même si je n'avais aucune intention de participer.»

«On parle d'une oeuvre commémorative, pas d'un simple "jingle", dit-il. En plus, la première version du règlement disait que le compositeur devrait céder ses droits d'auteur dans tous les formats, à perpétuité. Ils ont modifié cette partie, mais la nouvelle version, selon moi, demeure ambiguë.»

Pour composer l'oeuvre de cinq minutes pour carillon, il faudrait à un professionnel environ une centaine d'heures de travail, estime-t-il. D'autres compositeurs joints par La Presse ont aussi exprimé leur mécontentement. John Oliver, compositeur canadien bien connu qui vit à Vancouver, a signé la pétition.

«Je trouve cela absurde que le gouvernement canadien ait un concours tellement stupide et amateur, irrespectueux des compositeurs, dit-il. Je ne comprends pas que l'on veuille célébrer le 150anniversaire du Canada avec un tel prix. Si le gouvernement veut célébrer nos créateurs, il faut dire au public que les artistes ont une valeur au Canada, qu'ils sont importants pour le pays. Ça envoie un très mauvais message.»

Le compositeur montréalais Éric Champagne est du même avis. «J'ai songé à participer au concours, parce que j'aimais l'idée d'écrire pour un carillon, et pour la visibilité que ça donnerait, mais quand j'ai vu les conditions offertes, j'ai laissé tomber, dit-il. Sans compter qu'écrire pour un carillon n'est pas une évidence. C'est dommage qu'ils ne respectent même pas les barèmes du milieu.»

Réponses du gouvernement

Simon Bertrand s'est adressé à la ministre Joly parce que les questions de droits d'auteur relèvent en partie de son ministère. Toutefois, on lui a répondu que le concours ne relevait pas du ministère du Patrimoine canadien, mais bien du Parlement. Pierre-Olivier Herbert, attaché de presse de la ministre Mélanie Joly, a précisé par courriel que «tous les commentaires à ce sujet ont été transmis au bureau du président de la Chambre des communes».

Du côté de la Chambre des communes, on a répondu que «le compositeur recevra une mention honorable à titre de reconnaissance pour sa contribution musicale. De plus, il bénéficiera de la visibilité de sa composition, qui sera au programme de la collection patrimoniale de la Chambre des communes et joué sur le carillon de la tour de la Paix».

Cette réponse est conforme à celle déjà donnée à Simon Bertrand, qui ne l'entend pas de cette oreille. «Quand on demande à un plombier d'aller réparer les toilettes du parlement, on ne lui demande pas de travailler pour un salaire ridicule sous prétexte que réparer les toilettes du parlement est un honneur», dit-il.