Réforme politico-administrative dans le milieu des arts à Ottawa: le cabinet de la ministre du Patrimoine canadien n'aura plus le dernier mot sur 90 % des subventions en arts et culture, une décision qui réduira les risques d'ingérence politique selon le gouvernement Trudeau.

Réforme politico-administrative dans le milieu des arts à Ottawa: le cabinet de la ministre du Patrimoine canadien n'aura plus le dernier mot sur 90 % des subventions en arts et culture, une décision qui réduira les risques d'ingérence politique selon le gouvernement Trudeau.

«L'aspect trop partisan, c'est à l'encontre d'un pacte social entre les citoyens et le gouvernement. [...]. Ce n'est pas normal qu'il y ait des circonscriptions qui ne reçoivent pas de financement alors qu'elles y ont droit. L'idée, c'est d'enlever la potentielle dimension [pour un ministre] de dire : "C'est juste dans une circonscription où on a un député"», dit la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

Auparavant, les 8000 subventions annuelles du Patrimoine canadien devaient être autorisées par le ministre. Au cours des dernières années, 98 % des recommandations par l'équipe du Ministère avaient ensuite été approuvées par le cabinet du ministre. Le gouvernement Trudeau a annoncé hier qu'il change cette pratique: dorénavant, toutes les subventions de moins de 75 000 $ - soit 90 % des subventions du Ministère - seront accordées par les hauts fonctionnaires dans les différentes régions du pays. Dans le cas de ces subventions de moins de 75 000 $, la ministre du Patrimoine canadien déléguera ses pouvoirs, mais les lois ne seront pas modifiées.

La ministre du Patrimoine canadien garde la mainmise sur les subventions les plus importantes, en plus des subventions pour des événements d'envergure comme le 150e anniversaire du Canada. 

«C'est sûr qu'il y a des décisions politiques qui sont prises sur des gros projets [...]. Il faut être capable d'avoir une certaine discussion avec les provinces et les villes pour les grands projets.»

La ministre, qui estime que cette nouvelle façon de faire «mène à une objectivité et une équité», s'assurera aussi que les critères des programmes soient suffisamment précis. «La discrétion [des critères] permettait peut-être d'avoir une approche plus partisane, dit-elle. [...] Comme gouvernement, on prend des décisions politiques d'accorder de l'argent, on bâtit les programmes. Après, les gens ont droit d'avoir cet argent-là.»

Plus rapide

La nouvelle procédure administrative permettra aux organismes culturels d'avoir leur subvention plus rapidement, indique Mme Joly, qui trouve «absurde» le fait que dans certains cas - notamment en ce qui concerne les festivals au début de l'été -, les subventions étaient remises après la tenue de l'événement. Ottawa veut aussi faciliter les demandes de subvention, notamment en ligne. «Ça permet [aux organismes] d'allouer moins de temps et de ressources [aux demandes], ce qui leur permet de se concentrer [sur leur mission de création]», dit la ministre Joly.

«Ces mesures représentent une belle surprise pour tous nos membres. Pour eux, c'est du jamais vu, des réponses rapides, des paiements rapides. Nous voyons une plus grande volonté du gouvernement d'être plus à l'écoute et de répondre véritablement aux besoins de nos organismes pour pouvoir les alléger de certains fardeaux administratifs et d'une certaine anxiété dans les attentes», dit Maggy Razafimbahiny, directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française, qui compte 22 organismes membres. Mme Razafimbahiny assistait hier au dévoilement de la nouvelle politique avec la ministre Joly.

En déléguant 90 % des décisions aux fonctionnaires, Ottawa pourra aussi accorder davantage de financement sur une base pluriannuelle. Actuellement, 9 % des subventions sont accordées pour plus d'un an. «C'était une demande historique [du milieu des arts]», dit Mme Joly.

Avec un financement plus stable et pluriannuel, il sera plus facile de développer des projets à long terme, selon l'Association canadienne des organismes artistiques. «Nous anticipons des retombées directes au niveau de la capacité de planification et de développement. Nous espérons que les gains d'efficacité vont aussi se traduire sur le terrain, avec des organismes qui auront davantage de temps [pour la programmation]», dit Frédéric Julien, directeur de la recherche et du développement de l'organisme, qui assistait aussi à la rencontre hier dans les bureaux de la ministre.