La pression s'accentue sur la ministre de la Culture, Hélène David, pour que tout soit mis en oeuvre en vue d'épargner le milieu culturel, paniqué à l'idée de perdre 20 pour cent des crédits d'impôt présentement offerts à ce secteur.

Jeudi, les deux principaux partis d'opposition à l'Assemblée nationale (l'opposition officielle péquiste et la Coalition avenir Québec) ont joint leur voix au mouvement de contestation né de la décision gouvernementale qui consiste à sabrer le cinquième des crédits d'impôt dévolus aux entreprises culturelles.

Dans les deux cas, on évalue que les conséquences d'un tel geste seront catastrophiques, tant pour les artisans eux-mêmes de la scène culturelle que pour l'avenir de la culture québécoise.

Quant à elle, la ministre David refuse toujours de dire dans quelle mesure elle endosse ou conteste la décision controversée de son collègue des Finances.

Pour rassurer tout le monde, elle a quand même annoncé jeudi qu'elle organisait une rencontre spéciale entre les artistes et le sous-ministre aux Finances, qui aura lieu le jeudi 3 juillet.

La ministre a indiqué que cette rencontre visait à préparer les milieux culturels à défendre leur cause devant la commission d'examen sur la fiscalité qui se tiendra à l'automne et qui doit examiner plus en détail les coupes décrétées dans le budget déposé le 4 juin par le ministre des Finances, Carlos Leitao.

«Nous allons regarder au cas par cas cette question des crédits d'impôt», a dit la ministre David, en point de presse, en marge de l'étude des crédits de son ministère pour l'année en cours. Elle a ajouté qu'au terme de l'exercice d'examen fiscal, en décembre prochain, on peut s'attendre à tout: «ça peut être le maintien, ça peut être la diminution, et ça pourrait même être l'augmentation» des crédits d'impôt offerts aux entreprises culturelles.

Chose certaine, elle a cependant rejeté d'emblée l'idée de faire de cet enjeu une question d'«exception culturelle».

Cette décision de sabrer dans les crédits d'impôt a provoqué une levée de boucliers générale, attisant la colère des artistes et des entreprises culturelles, qui craignent le pire et exhortent le gouvernement à reculer.

En vain, dans la foulée de l'Union des artistes, la porte-parole de l'opposition officielle, la péquiste Véronique Hivon, a demandé jeudi à la ministre de décréter un moratoire sur la décision, qui risque d'avoir un impact important sur la production de films au Québec, sans compter celui sur l'industrie du spectacle et du disque.

«C'est très inquiétant l'attitude de la ministre dans ce dossier, parce qu'elle se désolidarise de son milieu en disant au milieu: «Faites vos représentations'. Elle est allée jusqu'à dire: «Mobilisez-vous!'. Et elle, où loge-t-elle dans tout ce dossier? Quelle est sa position?», s'interroge la députée péquiste de Joliette.

«En matière de culture, chaque dollar compte», a ajouté Mme Hivon en point de presse, en s'étonnant devant le fait qu'aucune étude d'impact n'avait précédé le changement fiscal annoncé.

La porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ), la députée d'Iberville, Claire Samson, ex-présidente de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, a jugé elle aussi que l'impact des réductions de crédits d'impôt allait être majeur: pertes d'emplois, trous dans le filet de protection sociale des artistes (régime de retraite et d'assurances), perte de revenus pour les artistes et techniciens en raison de la production d'oeuvres hors des conventions collectives, et diminution appréhendée de la qualité et du nombre de films et de séries télé produites au Québec.

«Il est évident qu'il y aura moins de longs métrages. À mon avis, la SODEC va pouvoir supporter trois, quatre, cinq films de moins l'an prochain», a commenté Mme Samson, en point de presse, en se disant très préoccupée par le «trou» financier créé par le manque à gagner.

«Avec une population de huit millions, si on ne la supporte pas la culture, aussi bien s'asseoir et la regarder complètement disparaître», selon la députée d'Iberville, qui a qualifié les coupes annoncées d'«atroces et non intelligentes».

Mme Samson a même mis en doute la compétence de la ministre David, jugeant qu'elle était mal préparée pour l'étude des crédits et qu'elle ne semblait pas maîtriser ses dossiers.

De son côté, la ministre David a tenté de se faire rassurante, en faisant valoir que les coupes prévues allaient entrer en vigueur seulement à compter de septembre et que l'impact, du moins à court terme, serait négligeable. Elle a calculé que pour la première année d'application, l'impact de la réduction ne dépasserait pas 1,9 million $, selon elle.