Chambre-conte, cuisine-théâtre, salon-chanson: pièce par pièce, la Maison Félix-Leclerc de Vaudreuil s'est donné comme mission de restaurer à la mémoire les étapes de la vie créative du grand artiste québécois qui, beaucoup l'ignorent, a passé 20 ans sur le bord du lac des Deux-Montagnes.

Ici, Félix Leclerc radioman avec son ami Guy Maufette; là, Félix comédien avec les Compagnons de Saint-Laurent du père Legault, sous la longue affiche de bois de sa pièce créée au Gesù en 1963, L'Auberge des morts subites, du nom que donnait Félix à la grange de son domaine de Vaudreuil où il recevait souvent ses amis comédiens. On y a peut-être répété Le p'tit bonheur, une autre de ses pièces, créée au centre communautaire de Vaudreuil en 1948...

Dans le salon, montés sur des fauteuils décorés selon leurs thématiques propres, huit postes d'écoute proposant autant de chansons de Félix composées à Vaudreuil, à l'exception de Notre sentier, sa première (1934), dédiée à sa flamme du temps, la grand-mère d'une vedette actuelle de la chanson... Réécoutons aussi Bozo, Moi, mes souliers, L'hymne au printemps et Attends-moé, ti-gars dans sa version non censurée.

Et voilà Félix tel qu'en lui-même en 1959 dans Félix Leclerc troubadour, le documentaire de l'ONF réalisé par Claude Jutra. Et, en photos, Félix Leclerc «le Canadien des montagnes» à Paris en 1953, alors que Charles Trenet chante Voyage au Canada. Manque juste la cabane...

Peu d'artéfacts dans cette expo d'une sobriété absolue, mais une évocation vive de la carrière de Félix Leclerc, le «père de la chanson québécoise» né à La Tuque il y a 100 ans cette année.

Inaugurée officiellement jeudi, l'exposition permanente se déploie dans les pièces de la maison de briques du 186, chemin de l'Anse que Félix Leclerc a habitée entre 1956 et 1966. Le poète, dramaturge et chansonnier était arrivé en Montérégie après la guerre, à la suite des Compagnons où il avait rencontré Andrée Vien, sa première femme et la mère de son fils aîné, Martin.

«Il était moins cinq!», nous dira Martin Leclerc, cinéaste retraité de l'ONF qui a filmé les étapes de la restauration de la maison où sa mère, surnommée Dedouche, a vécu jusqu'en 1973. «Lorraine Messer [de la Société de sauvegarde de la mémoire de Félix Leclerc] a commencé à me parler de ce projet en 2000, alors que la maison, que ma mère avait été obligée de vendre, était déjà dans un état délabré.»

Classée monument historique en 2009 par le ministère québécois de la Culture, la maison a été transformée, mise à niveau au coût de 1,8 million de dollars, grâce principalement au programme Gestion du patrimoine du MCC. Le CALQ a aussi participé au financement, de même que la Ville de Vaudreuil-Dorion (pop. 36 000), à hauteur de 350 000$.

«Nous voulions garder les choses simples, ne pas faire semblant en exposant des objets qui n'avaient pas appartenu à Félix», explique pour sa part le directeur général de la Maison, Simon Bissonnette, en nous montrant, à l'étage, le bureau de Félix qui ne contient aucun livre mais une simple image de bibliothèque. Simple comme l'ancien maître de céans qui disait: «Quand je veux aller à la campagne, je vais à Vaudreuil; quand je veux aller en ville, je vais à Paris».

L'autoroute (40) Félix-Leclerc ne passe pas par là mais la sortie 35 vous amènera directement dans cette belle campagne montérégienne. L'ancienne maison du poète vaut le détour par le chemin de l'Anse.