Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête préliminaire pour «incitation à la haine raciale» après des propos de l'humoriste controversé Dieudonné visant un journaliste juif, a-t-on appris de source judiciaire.

Le 19 décembre, un reportage de l'émission Complément d'enquête sur la chaîne de télévision publique France 2 montrait Dieudonné s'en prendre, lors d'un spectacle à Paris, à un journaliste de la radio France Inter, Patrick Cohen.

«Tu vois, lui, si le vent tourne, je ne suis pas sûr qu'il ait le temps de faire sa valise», déclarait l'humoriste. «Quand je l'entends parler, Patrick Cohen, je me dis, tu vois, les chambres à gaz... Dommage», lançait Dieudonné, déclenchant des rires chez ses admirateurs.

L'avocat de Dieudonné, Me Jacques Verdier, a estimé que le chef d'incitation à la haine raciale n'était «absolument pas justifié» et a nié «tout antisémitisme». Invoquant le «contexte», l'avocat a argué: «Le rire, c'est la possibilité d'être dans l'outrance, l'énormité, l'absurde».

La semaine dernière, le ministère français de l'Intérieur avait indiqué étudier les moyens juridiques de faire interdire les spectacles de Dieudonné en raison de ses propos racistes et antisémites.

L'initiative a reçu le soutien du président socialiste François Hollande et du numéro un de l'opposition de droite UMP Jean-François Copé.

La polémique a rebondi samedi avec le soutien ostensible du footballeur Nicolas Anelka, qui a fêté un but en championnat d'Angleterre avec une «quenelle», geste créé par Dieudonné et interprété par certains comme un salut antisémite.

Ce geste de ralliement, bras et main tendus vers le sol, l'autre bras replié touchant l'épaule, est selon lui «un peu anodin et potache» tout en cachant «un acte subversif».

Pour les représentants de la communauté juive, il s'agit d'un «salut nazi inversé». Certains des sympathisants de Dieudonné font ce geste près de symboles liés à la communauté juive, devant des synagogues et jusqu'à l'ancien camp nazi d'Auschwitz.

Rendu célèbre dans les années 90 par ses sketches avec l'humoriste juif Elie Semoun, Dieudonné M'Bala M'Bala, d'origine camerounaise, a suivi un parcours singulier, en exprimant de plus en plus ouvertement des positions antisémites. Il s'est rapproché du parti d'extrême droite Front national, dont l'ancien leader, Jean-Marie Le Pen, est le parrain de l'un de ses enfants.

En 2009, il avait été le chef de file d'une «liste antisioniste» aux élections européennes de 2009.

Fin novembre, il a été condamné en appel à 28 000 euros d'amende pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale pour des propos et une chanson dans deux vidéos diffusées sur internet.

Au-delà des spectacles du provocateur se pose donc la question de la «Dieudosphère». Banni de la plupart des médias, Dieudonné reste très populaire sur internet où certaines de ses vidéos ont été vues plus de deux millions de fois.

Pour les attaquer, il faudrait se tourner vers les hébergeurs domiciliés aux États-Unis, où la liberté d'expression est quasi-intouchable.