Marcelle Papineau et Monique Pigeon chantent depuis toujours. Jeunes, elles chantaient en famille ou à l'école, présentaient des spectacles devant leurs parents et amis. Encore aujourd'hui, septuagénaires, elles font partie de quatre chorales dont celle du Coeur enchanté de Longueuil, ce qui occupe amplement leur quotidien et les garde actives et alertes. Survol d'une occupation qui aide à trouver sa voie.

Les deux femmes parlent d'une même voix: chanter leur procure du bonheur, leur permet de s'exprimer et leur donne l'occasion de rencontrer des gens issus de divers milieux. Ces moments passés à chanter ensemble sont une source continuelle d'émerveillement et leur ont permis de traverser de douloureux passages de leur vie.

Marcelle Papineau compare le chant à la pratique d'un sport. Parce qu'il faut être en forme pour chanter et que chanter garde en santé. À 78 ans, elle joue toujours au tennis et il lui arrive encore de rouler à bicyclette, même dans la neige. La respiration, les étirements, la posture du corps font partie de son entraînement vocal et participent à garder sa voix et son corps en excellente condition.

Quant à Monique Pigeon, 72 ans, elle tient à préserver ses capacités intellectuelles le plus longtemps possible. Pour chaque concert, elle fait des recherches sur les compositeurs, sur l'origine des chansons classiques inscrites au répertoire des chorales auxquelles elle prête sa voix. «Le chant est un besoin essentiel à notre santé, tant physique que psychologique», disent-elles.

À les voir, on les croit facilement. «Quand on chante dans une chorale, on doit prendre soin des autres choristes, faire attention à ne pas enterrer les autres. Sans parler des notions musicales qu'on apprend à maîtriser ensemble. L'entraide est essentielle», souligne Marcelle Papineau. «La concentration est tellement grande qu'on oublie les petits problèmes du quotidien. C'est comparable à une thérapie», ajoute Monique Pigeon.

Ni l'une ni l'autre ne voudrait être soliste. Ce sont les harmonies qui les intéressent. Mêler leur voix à celles des autres jusqu'à atteindre une unité vocale parfaite, c'est ce qui les transporte tout en exigeant d'elles générosité et attention soutenue. Leur plus grande joie est d'avoir transmis leur amour du chant et de la musique à leurs enfants et à leurs petits-enfants.

Diriger une chorale

Selon Robert Schumann, compositeur allemand du XIXe siècle, la voix humaine est le plus bel instrument de musique. C'est sans doute ce que pense également François-André Ouimet, qui dirige la chorale Les voix ferrées, Le choeur de chambre Tactus et Le choeur de l'Université McGill où il enseigne le chant choral.

Selon lui, «la chorale est le seul endroit où on peut faire de la musique sans être un musicien professionnel». Son rôle de chef de chorale consiste à nourrir l'enthousiasme des choristes, à les motiver et à faire en sorte de préserver chez eux le plaisir de chanter. Excellent pédagogue, le directeur doit aussi communiquer le langage musical à ceux et celles qui n'ont pas appris à lire une partition tout en les encourageant à découvrir leurs propres possibilités vocales.

Lorsqu'on lui demande d'expliquer ce plaisir de chanter que ressentent les choristes, il parle «d'une sensation indescriptible, d'un plaisir sensuel qui donne des frissons dans le dos. En fait, il est prouvé que le chant libère des endorphines.»

Des choristes de tous âges

C'est avant tout le répertoire pop, jazz et celui des musiques du monde qui attirent les jeunes. Pour les aînés, le chant classique et le répertoire traditionnel sont souvent plus intéressants. Cependant, François-André Ouimet admet que les 45 ans et moins sont aussi plus réfractaires au groupe, plus individualistes. Le plaisir de chanter en choeur se développe donc plus graduellement.

Faire partie d'une chorale est également très exigeant. Pour un spectacle de 90 minutes, près d'une quarantaine de répétitions de deux heures chacune seront nécessaires. Et c'est sans compter les heures que chaque choriste passera seul à répéter.

Et la part sociale? Elle est bien réelle. François-André Ouimet a lui-même rencontré sa compagne de vie dans une chorale. Mais il constate que ce loisir attire plus de femmes que d'hommes. Son message est on ne peut plus clair: «Messieurs, on a besoin de vous dans une chorale! Si vous êtes célibataire, c'est l'endroit idéal pour rencontrer l'âme soeur!»