Dans sa maison remplie de coquillages et d'insectes, Gary Kurtz nous a reçus pour parler de son nouveau spectacle, Le monde selon Kurtz. Rencontre avec une drôle de bibitte.

Tout est rangé avec un soin maniaque. Des milliers de coquillages de toutes les formes et de toutes les couleurs, soigneusement identifiés dans des bibliothèques en verre. Une immense armoire faisant tout un mur remplie d'insectes délicatement épinglés. Il en achète, il en chasse lui-même. Que pense madame Kurtz de cet insectarium? «Nous ne sommes plus ensemble, mais ce n'est pas à cause des insectes. Les insectes sont arrivés quand elle est partie, après 18 ans de vie commune.» Réponse franche, on n'en saura pas plus.

Difficile de deviner les pensées d'un «mentaliste», dont le principal talent est, paraît-il, de deviner les nôtres. Il se considère d'ailleurs comme une référence mondiale dans le domaine. Mais qu'est-ce que c'est, au juste, un mentaliste? «C'est quelqu'un qui se sert de ses cinq sens pour donner l'impression d'en avoir un sixième», dit-il, en souriant comme un gamin. Et on se demande s'il a lu quelque chose de drôle dans notre tête.

Gary Kurtz a présenté plus de 700 fois son spectacle Juste une illusion? dans plusieurs pays, devant un demi-million de spectateurs médusés. Mentaliste, magicien, illusionniste, on ne sait pas trop comment le classer - ou l'épingler, comme ses insectes. Devant une telle collection, on se dit qu'il aurait pu devenir scientifique, chercheur, il le croit aussi, mais sa nature était avant tout artistique, dit celui qui a déjà étudié en chorégraphie. Il y a quand même un entomologiste dans le mentaliste. «Ma préoccupation, c'est l'évolution, l'histoire naturelle, confie-t-il. On dit qu'en Europe, 100 km, c'est loin, et qu'aux États-Unis, 100 ans, c'est long. Moi, je compte le temps en million d'années.»

Le monde selon Kurtz, son nouveau spectacle, mis en scène par Alexis Martin, ce sera un peu ça. À mi-chemin entre la variété et le théâtre. Divertir, impressionner, bien sûr, mais aussi faire réfléchir. «Je veux pousser les limites, travailler contre les attentes du public, dit-il. Mon nouveau spectacle est plus élaboré. Plus dramatique aussi. Pour moi, c'est une période de création intéressante.» La collaboration d'Alexis Martin y est pour beaucoup, souligne-t-il. La scénographie sera différente, et la musique est signée Benoit Charest.

Les humains sont bruyants

Il pourrait se faire gourou, mais il est allergique aux religions. Son dada, il l'a dit, c'est l'évolution. De l'infiniment petit à l'infiniment grand, pour lui, tout est relié. «Et aucune espèce n'évolue toute seule, note-t-il. Je suis branché à la vie entière, pas seulement aux humains. L'intelligence est une interactivité collective.»

De toute façon, son rapport aux humains est plutôt trouble. Vu ses talents, il aurait pu être psychothérapeute mais... «Je suis un grand sensible. Les gens dégagent beaucoup d'énergie, ils sont tellement bruyants. Je devine tout de suite qui ils sont. Les bullshiteurs sont mal à l'aise avec moi.» Gary Kurtz a grandi sur une ferme, dans un village où il a connu l'exclusion parce qu'il était différent. «Ils ont rendu ma vie misérable. Mais, même si j'ai eu une vie difficile en général, je suis heureux. Je voulais vivre une vie intéressante. Ça n'a pas été facile, mais elle est intéressante!»

Ce sera donc Le monde selon Kurtz, mais comment croit-il que le monde le voit? «C'est une combinaison. Comme quelqu'un d'énigmatique, mais aussi un showman, un performeur, qui les confronte à ce qu'ils croient possible ou impossible. En tout cas, je veux que lorsque le spectacle se termine, il ne soit pas terminé dans leurs têtes.»

Il y aura de la poésie, de la danse, et des trucs qu'il ne croyait lui-même jamais essayer. Il paraît qu'il nous fera entendre des voix dans nos têtes... Mais la magie apparente du spectacle, de toute évidence, est un prétexte pour toucher à la vraie magie de la vie, telle que la conçoit Gary Kurtz. «J'ai la chance de vivre dans un état perpétuel d'émerveillement. J'ai appris que s'il y a des explications à tout, ça n'explique rien...»

Le monde selon Kurtz, les 30 novembre et 1er décembre au Théâtre Impérial.