Depuis son élection comme président français, Nicolas Sarkozy attire des chanteurs étiquetés à gauche, plus jeunes et plus branchés, brouillant le grand clivage traditionnel droite-gauche.

«Sarkozy brouille les pistes», analyse Pierre Siankowski, journaliste à l'hebdomadaire culturel de gauche Les Inrocks. Sa campagne présidentielle a d'abord consacré un retour de l'artiste de droite: les chanteurs Mireille Matthieu, Enrico Macias ou encore l'acteur Jean Reno et le DJ Martin Solveig.

 

«Là où il a été malin, c'est de proposer à des artistes comme Gilbert Montagné (interprète de On va s'aimer) un nouveau type d'exposure», raconte Pierre Siankowski.

«Ces artistes ont choisi, dans ce cas, le camp majoritaire. S'associer à la droite n'est pas un mauvais calcul: se joindre de façon surprenante au président donne aussi de la publicité», explique Jean-François Lisée, directeur exécutif du CÉRIUM.

La récente loi sur la création Internet (HADOPI) soutenue par des artistes catalogués à gauche (les chanteurs Keren Ann, Étienne Daho, Abd Al Malik, Diam's ou Cali), le mariage du président avec l'icône de la gauche intello, Carla Bruni, les productions hip-hop du fils de Nicolas Sarkozy, Pierre alias Mosey, ont également participé à décomplexer les artistes de droite.

S'afficher à droite - une posture longtemps honteuse - n'a plus rien de ringard chez les artistes en France: il peut être de bon ton aujourd'hui de railler l'altermondialiste Manu Chao et ses ponchos. À l'inverse, l'acceptation de l'homosexualité, des drogues douces - longtemps l'apanage de la gauche - ouvre les rangs de la droite aux artistes.

Face aux irréductibles artistes de gauche (le leader de Noir Désir Bertrand Cantat, Julien Clerc, Miossec, la comédienne Catherine Deneuve, le réalisateur Christophe Honoré, son acteur fétiche Louis Garrel ou la belle-soeur du président, Valéria Bruni-Tedeschi), nombreux sont ceux qui cèdent au dernier snobisme parisien, aller dîner à l'Élysée et trouver le président «sympa», raconte Stéphane Bern, animateur du Fou du roi, la populaire émission de radio de France Inter.

«Un artiste va être de gauche, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des prétentions financières de droite: c'est la grande hypocrisie», estime Bern, rencontré à Montréal. Une fois les micros de radio fermés, dit-il, nombreux sont les artistes qui tiennent des propos de droite concernant, par exemple, le système d'éducation publique.