Auteur de l'intemporelle L'eau vive, une ritournelle apprise par des générations de Français sur les bancs de l'école, Guy Béart, 84 ans, fera samedi ses adieux à la scène lors d'un unique concert parisien «avant de partir dans l'autre monde».

«C'est le tout dernier» récital, a juré jeudi à l'AFP ce «troubadour» de la chanson française, en rappelant qu'il n'était plus monté sur scène depuis une série de concerts sur la scène mythique de Bobino, il y a quinze ans.

«Tout le monde me redemandait de chanter mais j'ai déjà tellement chanté... J'ai voulu en faire un seul», de concert précise-t-il.

«J'ai voulu ça comme un coup de chapeau avant de partir dans l'autre monde. J'ai bientôt 85 ans», souligne-t-il d'une voix vive en écartant d'avance d'autres concerts à venir. «Même si le public me donnait beaucoup d'amour, il n'y a pas que l'amour, il y a la raison», assure celui qui incarne depuis plus de cinquante ans une chanson française poétique et atemporelle.

Rien ne le prédestinait pourtant à cette longue carrière, faite de succès mais aussi de longues éclipses.

Né Béhart le 16 juillet 1930 au Caire, il est arrivé à Paris à l'âge de 17 ans où il obtient un diplôme d'ingénieur des ponts et chaussées, spécialiste des cristaux et de la fissuration du béton. Mais ce sont les clubs parisiens qui l'attirent, et où il chante de plus en plus, sa guitare en bandoulière.

Il commence aussi à écrire pour d'autres vedettes des cabarets de l'époque, comme Zizi Jeanmaire (Il y a plus d'un an), Patachou (Bal chez Temporel), Juliette Gréco (Chandernagor), Yves Montand mais aussi pour Tino Rossi ou Maurice Chevalier.

Toujours voulu être «anonyme»

C'est la chanson L'eau vive qui fait de lui un chanteur populaire, en 1958, une mélodie que des générations de Français ont fredonnée. D'autres deviendront des succès, comme Qu'on est bien, Les couleurs du temps, Il n'y a plus d'après ou La vérité.

«J'ai toujours voulu être un anonyme et que les oeuvres demeurent. C'est ce qui se passe d'ailleurs: beaucoup de gens connaissent mes chansons sans savoir que c'est moi qui les ai faites», souligne le chanteur qui retrouvera samedi un lieu emblématique de la chanson à Paris, la salle de l'Olympia.

«Pour les politiques comme pour un ingénieur, c'est ce qu'on fait qui compte, ce n'est pas la gueule qu'on a. Or, aujourd'hui, c'est une époque un peu détestable où c'est surtout la gueule qu'on a qui prime et qui fait le buzz», lâche cet amoureux du verbe, qui a signé plus de 200 chansons, parfois jugées naïves par ses détracteurs.

Dans son dernier album en date, paru en 2010, celui qui avait combattu un cancer pendant de longues années dans les années 1980 et 1990 portait un regard plus acerbe sur la société actuelle.

Récemment distingué par plusieurs prix, comme le prix Méditerranée, Guy Béart préfère s'en amuser: «Je suis très inquiet (...), quand les honneurs pleuvent, c'est que la mort est proche. Et après la mort, c'est pire.»

Samedi, il fera monter de nombreux artistes sur scène pour l'accompagner en deuxième partie, comme le chanteur Julien Clerc et sa fille, l'actrice Emmanuelle Béart.