Le roi de la pop ne chantera plus. Mais son message résonnera encore longtemps dans la communauté noire de Montréal. «Michael Jackson, c'était notre Tiger Woods, notre Barack Obama des années 80: il nous a montré qu'il était possible pour un Noir de réussir en Amérique.»

Luck Merville n'oubliera jamais ce jour de 1982 quand, à la suite de pressions, la chaîne de musique MTV a enfin décidé de diffuser le vidéoclip d'un artiste afro-américain. «Michael Jackson a franchi des barrières qui nous paraissaient insurmontables», explique le chanteur d'origine haïtienne. Il n'en fallait guère plus pour que Jackson devienne son idole. «À cette époque, il n'y avait pas beaucoup de modèles pour les jeunes de la communauté noire et lui, il avait un succès qui aurait fait l'envie de tous les artistes, peu importe la couleur de leur peau.»

 

Bien des chanteurs noirs du Québec doivent une partie de leur succès à Michael Jackson, croit le producteur René Frantz Duroussel. «Corneille n'aurait pas eu le même succès si Michael Jackson n'était pas passé avant lui. Il y a 20 ans, c'était très rare de voir un Noir à la télévision, sinon dans un rôle de bandits! Il a pavé la voie aux autres.»

Il a été une source d'inspiration cruciale pour le chanteur Gage, qui a grandi dans le quartier Montréal-Nord. «C'était difficile. J'étais seul, je n'avais pas de père, pas de frère. Je me suis dit que si je travaillais dur, aussi dur que lui, je pourrais avoir du succès moi aussi.» Mais Gage n'est pas le seul à avoir puisé sa source de motivation dans les pas de danse et les mélodies de Michael Jackson. «Je vous mets au défi de trouver une seule famille haïtienne de Montréal qui n'a pas Thriller dans sa discothèque. C'était ce qui se faisait de mieux, ce qu'on voulait entendre dans toutes les fêtes, qui faisait danser aussi bien les grands-mères que les petits-enfants», ajoute Jean-Yves Roux, qui s'apprête à lancer Clovys TV, une chaîne musicale consacrée à la scène montréalaise.

Un effet rassembleur

Quand il habitait dans l'ouest de Montréal, René Frantz Duroussel était souvent le seul Noir de sa classe. «Mais j'avais une chose en commun avec tout le monde: Michael Jackson. Lui, tout le monde l'aimait, tout le monde l'idolâtrait.» Nathalie Simard en est la preuve. Peu de gens s'en souviennent, mais la chanteuse a enregistré au début des années 80: «Mon idole, c'est Michael Jackson.»

«Il avait tout pour fasciner les gens. Il était beau, il dansait bien, il savait transmettre sa passion», dit-elle. Les accusations d'agressions sexuelles portées contre lui ne lui ont jamais fait regretter son geste. «Il a été acquitté et a tourné la page en vendant un demi-million de billets en quelques heures à peine pour sa tournée à Londres.»

«C'était le King de notre génération, compare la chanteuse Mitsou, qui ne passe pas une semaine sans courir au rythme de Michael Jackson. Il faut s'attendre à ce qu'il soit encore plus populaire après sa mort qu'au cours des dernières années, comme Elvis Presley.»

Hier, les disquaires de Montréal ont continué à être pris d'assaut par les fans de tous âges et origines confondus... «Nous avons vidé toutes nos réserves: il ne nous reste plus un seul CD de Michael Jackson depuis jeudi soir!» a confirmé Annie Lafontaine, du magasin Archambault de la rue Sainte-Catherine Est.